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Syndicat Sud Travail Affaires sociales du Ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale
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Sud Travail Affaires sociales
LE TEMPS DES DYNAMITEURS

Dans une interview donnée au monde le 9 septembre 2004, M. Larcher, en réponse aux craintes de certains syndicats quant à la remise en cause des droits des salariés que pourrait générer son projet de « simplification » du code du travail, déclarait que « compte tenu des crispations (sic), nous allons travailler en bilatéral avec chacun ; il n’y aura pas de négociation en tant que telle puisqu’il s’agit d’un sujet pour le législateur », et il concluait (se croyant sans doute rassurant) : « simplifier n’est pas dynamiter ».

 L’avalanche d’ordonnances et de lois fourre-tout (pseudo- PME) de l’été 2005 venant sabrer des droits fondamentaux des salariés (interdiction du travail de nuit des apprentis, droit au renouvellement des IRP tous les deux ans, forfait- jours extensif, droit du licenciement, etc.…) nous a confirmé :


1/ qu’on réglementait désormais à la dynamite,


2/ qu’on n’allait même plus faire semblant de négocier (mais de cela nous étions prévenus), et de surcroît que, pour certaines mesures et pas des moindres comme le contrat nouvelle embauche (CNE), on n’allait pas davantage s’embarrasser d’un débat avec les représentants du peuple (on perd du temps, et puis, sait-on jamais, y’en a peut-être encore qui mordent).


Ce passage en force inouï (mais sur les « cent jours », la dimension despotique ne pouvait nous échapper) que constitue, entre autres, l’ordonnance instituant le CNE est révélateur de l’importance de l’enjeu lié à cette casse du droit du licenciement.


Cette ordonnance est en effet l’aboutissement de plusieurs années, sinon décennies, de pressions patronales, que les dernières évolutions jurisprudentielles, notamment en matière de licenciement économique, avaient particulièrement exacerbées…


A titre d’exemples :


- le 10 février 2004, la Cour d’appel de Poitiers accorde environ 11000 euros d’indemnités (chacun) à une centaine de salariés licenciés par « note de service » (Transports Grimaud : 611 salariés ainsi licenciés en 2001).


- ce même mois de février, une autre Cour d’appel, à Reims, condamnait une entreprise du groupe Faurecia à verser, pour insuffisance de reclassement, de nouvelles indemnités de licenciement, pouvant aller jusqu’à 3 années de salaire, à 185 salariés.


Une évolution dont le point d’orgue, quasiment vécu comme une déclaration de guerre par le monde patronal, avait été le fameux arrêt Samaritaine (13 février 1997) prononçant pour la première fois la nullité de licenciements collectifs. D’où la levée de boucliers qui s’ensuivit, l’avocat patronal bien connu, Gilles Bélier (au demeurant membre éminent de la Commission de Virville) suggérant même que l’on ressuscite l’autorisation administrative de licenciement ! Tout plutôt que de laisser à ces irresponsables de juges le droit du licenciement économique.

Depuis, les juges ayant conforté leur jurisprudence (cf. ci-dessus), la pression du patronat ne s’est pas relâchée, bien au contraire; en effet, les employeurs développeront parallèlement, surtout depuis la fin des années 90, des stratégies multiples de contournement, essentiellement en maquillant les licenciements économiques sous d’autres motifs, mais en s’exposant ainsi à des poursuites plus nombreuses de la part des salariés (en 2004, seul un licenciement sur huit a un motif économique).


Bref, une situation de plus en plus intenable pour certaines entreprises, et surtout une inflexion de la justice sociale que le monde patronal n’a jamais accepté : le droit pour le salarié licencié que puisse être jugé le bien-fondé de son licenciement, avec en arrière fond l’atteinte au sacro-saint pouvoir de gestion de l’employeur, insupportable pour la majorité des patrons, que le législateur a ainsi générée.


Insupportable également pour le ministre du travail précité, M. Larcher, qui évoquait récemment la lecture « salafiste » du Code du travail de certains juges de la Cour de cassation, bafouant ainsi la règle fondamentale de la séparation des pouvoirs, nonobstant l’injure évidemment implicite : salafistes = intégristes = terroristes (dans un Etat de droit, on aurait exigé et obtenu sa démission immédiate!..).


Eh bien, par la grâce d’une ordonnance du gouvernement dudit ministre, l’insupportable a cet été cessé d’exister, avec le recours désormais illimité, pour les petites entreprises (jusqu’à 20 salariés), au CNE (cf. art 2 de l’ord. du 2 août 2005): « ce contrat est soumis aux dispositions du code du travail, à l’exception (pendant 2 ans, pour l’instant) de celles des art. L 122-4 à L 122-11, L 122-13 à L 122-14-14 et L 321-1 à L 321-17 de ce code ». Les règles essentielles aménageant le droit du licenciement ne s’appliquent plus, quelqu’en soit le motif, motif économique inclus bien sûr, aux salariés embauchés en contrat


Et là, il n’est pas inutile de faire un peu d’histoire pour mieux mesurer l’ampleur de la casse que représente le CNE :


-en 1890, par une loi « sur le contrat de louage et sur les rapports des agents de chemin de fer avec les compagnies », le législateur vient tenter pour la première fois d’apporter quelques garanties aux salariés contre le risque de rupture abusive qu’autorisait jusque-là le contrat de louage, création civiliste infernale, ancêtre du contrat de travail. Les juges de la Cour de cassation, alors intégristes de l’individualisation des rapports sociaux, réduiront hélas cette tentative à néant en continuant globalement, sauf abus particulièrement flagrants, de considérer que le patron qui congédie l’ouvrier n’a pas à se justifier de cette mesure.


-malgré l’inscription, huit ans plus tard, du lien de subordination au cœur de la très importante loi du 9 avril 1898 sur le régime de réparation des accidents du travail, la loi ultérieure du 19 juillet 1928, qui spécifiait que « le jugement devra, en tout cas, mentionner expressément le motif allégué par l’auteur de la rupture » connaîtra le même échec. Alors que la doctrine y lisait l’obligation pour l’employeur d’établir l’existence d’un motif de nature à justifier le licenciement, les juges de la Cour de cassation continueront de dispenser l’employeur d’apporter cette justification : pendant encore quasiment un demi siècle les salariés ne pourront obtenir la condamnation de l’employeur que s’ils rapportent eux-mêmes la preuve d’un abus que celui-ci aurait commis en licenciant.


-il faudra donc attendre la loi du 13 juillet 1973, héritage tardif mais non négligeable, vu le contexte judiciaire précité, de la révolte sociale de mai 1968, pour qu’enfin l’employeur ne puisse rompre le contrat que s’il existe une « cause réelle et sérieuse » de cette rupture.


Bien sûr, cette loi, qui régit encore à ce jour le droit du licenciement(art.L122-14-4), souffre encore d’insuffisances évidentes : ainsi le régime de la preuve qui demeure encore, de facto, défavorable aux salariés (même si, en pure théorie, aucune des parties n’est censée en supporter la charge), ainsi également le droit à réintégration du salarié, que le juge « peut proposer » (même art.), mais qu’il ne peut imposer –si tant est qu’il le veuille- que très rarement.


Il n’en demeure pas moins que cette loi, malgré toutes ses insuffisances, représentait un progrès très conséquent (on partait de si bas !) quant aux limites qu’elle permettait d’apporter à l’arbitraire patronal dans un domaine aussi sensible, la protection de l’emploi, surtout depuis les trois dernières décennies écoulées : alors que précédemment l’employeur était toujours dans son droit, même s’il abusait parfois, ce qui restait, et très difficilement, à prouver, la loi de 1973 permit au juge de déclarer l’employeur hors du droit, et donc aux salariés de demander réparation aux patrons hors-la-loi.


C’est dans le sillage de cette loi que s’inscrivent les avancées jurisprudentielles récentes sur l’appréciation du motif économique, ou sur le droit à réintégration.


A ce titre, le CNE, bien davantage contrat de nouvelle débauche, constitue une régression scandaleuse par rapport à cette évolution du droit des salariés des trente dernières années, d’autant plus lamentable qu’il avait fallu précédemment quatre-vingt ans de luttes sociales pour que le législateur puisse déjà l’imposer aux juges.


Le CNE sent sa « Restauration » sociale à plein nez : avec lui, les patrons regagnent leur couronne de monarque et les salariés, que quelques bonnes âmes auraient aimé voir devenir, mais sans leur en donner les moyens, « citoyens dans l’entreprise », deviennent plus que jamais sujets, si ce n’est objets, jetables.


« La Compagnie a le droit, en nous prévenant huit jours à l’avance, de nous jeter à la rue, de vouer nos familles à la faim et cela pour un rien, parce que nos yeux ne sont pas fendus en amende, parce que notre nez sera de travers ou que nous ne pratiquerons pas l’office divin du dimanche… » Rolande Trempé, Les mineurs de Carmaux 1848-1914, Ed. Ouvrières 1971.

Ecrit par sudiste, le Jeudi 10 Novembre 2005, 10:23 dans la rubrique "Actualité".