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Syndicat Sud Travail Affaires sociales du Ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale
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Sud Travail Affaires sociales
La santé au travail

Lu sur Indymédia Paris : "Nous intervenons aujourd’hui, parce que la Santé au Travail et les questions de prévention qu’elle soulève représentent un véritable enjeu de Santé Publique , jusqu’à présent trop minimisé pour ne pas dire camouflé .Depuis la création de la médecine du travail il y a cinquante six ans , son noble objectif d’éviter l’altération de la santé du fait du travail n’est pas atteint car il ne s’est jamais accompagné des moyens réellement nécessaires .L’épanouissement de cette profession a été empéché car elle a été confrontée dès le début à deux puissants obstacles à l’exercice d’une action préventive :d’une part la gestion des services de médecine du travail par les employeurs qui ne permet pas d’orienter les objectifs uniquement en fonction de la santé des salariés ; d’autre part la notion d’aptitude, séquelle archaïque d’une sélection biologique de la main d’œuvre qui n’a rien de préventif et fait porter à l’individu le poids des mauvaises conditions de travail collectives .

Nous sommes un collectif de huit médecins du travail , exerçant sur le même secteur géographique de Bourg en Bresse ,assurant le suivi d’environ 20000 salariés répartis à peu près dans 2000 P.M.E ,P.M.I.,et T.P.E.,tous secteurs confondus. Nous avons pour la plupart, plus de vingt ans d’expérience .En 1994 , nous avons décidé de nous réunir ,d’une part pour réagir ensemble aux atteintes à notre indépendance : une des plus scandaleuses en 1993 avait entrainé de notre part un courrier collectif à l’employeur et à notre direction pour signifier que nous n’accepterions plus de nous faire mettre à la porte de nos entreprises simplement parce que nous avions "  l’audace d’exercer notre mission de préventeur " , ce qui était et est encore parfois vécu comme une " ingérence " inadmissible par certains employeurs ; d’autre part nous nous sentions seuls dans nos entreprises respectives , très démunis vis à vis de la montée en puissance des pathologies liées au travail .Nous avons été unis également par le refus du déni que ce soit le déni de reconnaître la gravité des problèmes de santé au travail , que ce soit le déni des difficultés et des impuissances vécues quotidiennement pour réaliser l’objectif de prévention .Ce déni est largement pratiqué dans notre société par les employeurs mais aussi par un grand nombre d’instances et même d’acteurs de prévention car il faut absolument positiver , faire preuve d’optimisme .Mais cette attitude a de plus en plus de mal à camoufler son véritable fondement qui est bien d’affirmer que les problèmes humains et les questions de santé sont annexes et secondaires par rapport aux impératifs financiers de rentabilité immédiate .

Ces dix dernières années, nous avons tous constaté une détérioration des conditions de travail et une aggravation des atteintes à la santé dues au travail. Ceci est d’ailleurs confirmé par les grandes enquêtes nationales et européennes actuelles. Bien que cette mise en visibilité existe , il persiste toujours une réelle sous-identification , sous-déclaration et un déficit de reconnaissance des atteintes à la santé dues au travail : anciennes atteintes qui se multiplient et nouvelles atteintes liées à l’organisation de travail par pression sur les coûts, baisse des effectifs, intensification du travail.

Notre première tâche collective a été de regrouper et d’échanger nos constats permettant ainsi de confirmer notre expérience individuelle et donc de dégager des priorités d’action . Quatre catégories de risques de pathologies professionnelles attirent notre attention en terme de gravité et de quantité ; on les retrouve également comme étant les points noirs des grandes enquêtes nationales : ce sont les pathologies liées à l’aéro-pollution , l’hyper-sollicitation , la souffrance psychique et son cortège de décompensations , enfin les manifestations physiques ou psychiques liées aux horaires très excessifs et à des conditions de travail délétères chez les apprentis ou très jeunes salariés dans les métiers de bouche .

Nous constatons un contraste énorme entre ces gros besoins de santé au travail et le peu d’empressement à chercher des solutions et mettre en œuvre des possibilités réelles de transformation. Même si l’on commence à parler un peu plus des questions de santé au travail, les décideurs prennent prétexte du manque de pression venant de l’opinion publique dans ce domaine pour ne pas donner à ces questions leur vraie place dans la santé publique .Finalement le désengagement.de l’Etat et les prises de position des différents acteurs sociaux font que ces questions sont toujours sacrifiées à d’autres enjeux :l’emploi, les 35 heures , les retraites .Ce déni du coût humain des atteintes à la santé dues au travail est profondement incompréhensible d’autant qu’elles entrainent un coût financier colossal bien camouflé , il est vrai dans le système actuel.

En ce qui concerne notre exercice professionnel ,nous témoignons de nos tentatives de faire fonctionner tous les rouages de l’institution, nous affirmons qu’un vrai métier de médecin du travail peut exister, que des améliorations sont possibles sous réserve d’une réforme en profondeur qui doit obligatoirement lever les obstacles majeurs actuels qui sont :

  • la gestion unique des services de médecine du travail par les employeurs Cette aberration anti-démocratique se double pour entraver la prévention d’un déficit majeur de dialogue social dans les P.M.E. ;or , l’Etat s’est chroniquement défaussé de sa responsabilité sur ces questions en les renvoyant au dialogue social.

 

  • La notion " d’aptitude "du salarié qui devrait être remplacée par une aptitude du poste de travail à recevoir un salarié sans risque pour sa santé . Alors que nous réclamons la suppression de cette pratique non préventive et anti-déontologique , cette démarche inique et indigne du pays des Droits de l’Homme vient d’être encore conforter par un décret récent demandant au médecin du travail un avis de non contre-indication à l’exposition aux cancérigènes .

Au bout du compte, on peut facilement démontrer que tout cela est en lien avec une démocratie sociale anémique ; il y a manifestement une hégémonie de la logique du tout économique qui l’emporte sur toute autre considération humaine.

0r puisque nous constatons qu’il y a un mouvement citoyen qui veut contrer l’ultra-libéralisme, il nous reste à espérer qu’il s’emparera des questions de santé au travail. Nos témoignages dans l’espace public ont pour but de lui fournir des arguments émanant des professionnels de santé que nous sommes.

Depuis neuf ans , nous rédigeons une conclusion commune de notre rapport d’activité pour informer et sensibiliser sur nos constats inquiétants en espérant déclencher des prises de décisions . Nous avons tenté d’interpeller les structures professionnelles, les acteurs de la pluridisciplinarité, les instances gouvernementales, les partenaires sociaux, les partis politiques sans aboutir . Cherchant fébrilement, nous apercevons une lueur d’espoir dans le mouvement social.

 

-1-POURQUOI POUVONS-NOUS DIRE QUE LA DESESPERANCE A ATTEINT SON ACME DANS LE MONDE DU TRAVAIL ?

A-Tout d’abord nous en avons un faisceau d’indices dans notre propre expérience .

1—Premièrement la violence du déni répétitif des constats

L’historique de notre expérience professionnelle porte lui-même la désespérance d’une indifférence totale aux atteintes à la santé dues au travail. Nos rapports envoyés régulièrement au Ministère, les très mauvais indices donnés par les enquêtes nationales, le grand différentiel de mortalité des catégories professionnelles( avec une espérance de vie bien moindre pour les ouvriers), l’affaire de l’amiante, n’ont déclenché aucune remise en question, aucune prise de décision. Nos interventions répétitives se heurtant à l’indifférent silence de nos interlocuteurs sont en elles-mêmes un facteur de désespérance, pour nous-mêmes mais surtout pour ceux pour la santé desquels nous intervenons .La société semble attendre de nous que nous remplissions la fonction d’exutoire et de bouc émissaire plus que celle de préventeurs.

C’est d’ailleurs un des facteurs de gravité de la violence actuelle dans le monde du travail. Le système du tout financier refuse toute remise en question absolument indispensable à une prévention, accuse de tout et n’importe quoi celui qui vient demander cette remise en question et ne recule devant rien pour transformer les témoins ou les victimes en coupables le cas échéant. Nous le constatons dans les entreprises et les Comités d’Hygiene ,de Sécurité et des Conditions de Travail , les discours de prévention sont vérouillés par les décideurs et intériorisés par certains professionnels et délégués de prévention : le tabou extrêmement fort sur ces questions aboutit à la banalisation du risque et au déni des réalités.Ceux qui affrontent ces questions sans faux-semblant sont le plus souvent mis à mal.

A nous comme à eux, il sera toujours demandé de redémontrer la réalité des problèmes.

2—Deuxièmement l’hypocrisie d’une demande réitérée d’évaluation qui ne débouche jamais sur l’action

La question est-elle de continuer à évaluer quand un nombre incroyable de salariés est atteint ?

Il y a 6 ans un de nos confrères écrivait dans notre rapport la situation extrêmement délétère de certains abattoirs : quels marqueurs plus puissants de faillite d’un système lorsqu’il comptabilisait 80% de salariés atteint de maladies dues au travail dans certains ateliers d’abattoirs de vollailes. Or ce secteur a été l’objet d’une incroyable mobilisation des médecins pour alerter responsables d’entreprises et partenaires de la coopération sur la morbidité très sévère en lien directe avec les cadences infernales. Depuis 15 ans la coopération Inspecteurs du Travail/Médecins du Travail / Ingénieurs de la CRAM fonctionne dans ce secteur où les 3 instances pratiquent une incroyable sensibilisation mais il est clairement répondu qu’il n’est pas question de toucher au facteur responsable qu’est la cadence . Quinze ans après ,le médecin qui a pris la suite de son confrère confirme ce même chiffre effarant de 80% ! ! ! !

 

Mêmes problèmes et mêmes causes particulièrement dans les secteurs de la moyenne et grande distribution, prestation de service de nettoyage, salariés des secteurs médico-sociaux (par exemple, 71% des salariés sont atteints de pathologies professionnelles dans une entreprise de préparation de commandes où l’on ne peut même pas parler d’usure puisque la moyenne d’âge est de 30 ans ! !).

Insistons encore sur le fait que ,dans les causes de ces pathologies, à l’hypersollicitation s’associe très souvent la " mal sollicitation " : indifférence complète allant jusqu’au mépris pour un " salarié kleenex " qui n’a qu’à tenir ou s’en aller.

3—Troisièmement , les marqueurs de l’exclusion due au travail ne font que croître

C’est ainsi qu’il y a également une montée en puissance de nos inaptitudes : globalement , pour chacun d’entre nous, elles ont pratiquement doublées par rapport aux années précédentes : hypersollicitation  et mauvais traitements d’une organisation du travail devenue folle allant jusqu’au véritable harcèlement en sont la cause .L’élément majeur qui domine la scène et nous fait dire que la limite est atteinte , c’est surtout et avant tout que le travail a perdu son sens et que le mode relationnel au travail est empreint de fausseté, d’inhumanité , d’irrespect, de déni de l’humain. Il déstructure et finit même paradoxalement par désocialiser et paupériser..

Citons le cas de cette veilleuse de nuit qui ne voit pas comment elle va continuer à " tenir " : elle est seule la nuit pour 50 personnes âgées grabataires dans une maison de retraite " de luxe " ; elle fait seule les manutentions lourdes et répétitives des changes ; par " mesure de sécurité ! " elle n’a pas le droit de prendre l’ascenseur ; elle est écrasée par des responsabilités qui ne devraient pas être les siennes car elle change les gavages et donne les médicaments (il n’y a ni médecin ni infirmière ) .Cet exemple est très symptômatique du mécanisme actuel d’atteinte à la santé dues au travail avec l’hypersollicitation physique associée à la souffrance éthique devant la maltraitance à autrui à laquelle on participe du fait de l’organisation du travail.  " Et en plus , s’il y a un pépin , c’est elle qui sera responsable " !

4—Quatrièmement La destruction des identités individuelles, la confusion généralisée aboutissent à l’isolement, la violence et la destruction des liens sociaux

Nous voyons se succèder dans nos cabinets médicaux les différents modes selon lesquels les identités sont blessées voire brisées , " parce que çà n’a pas de sens " , " parce qu’on n’y arrive pas " , parce que " les cadences augmentent mais qu’au bout de la journée on met 50% de la production à la benne " : tantôt les salariés répondent par monosyllabes dans une attitude défensive où rien ne peut être dit de ce qui se passe au travail , tantôt logorrheiques , ils décrivent dans les moindres détails tout ce qu’ils subissent ; de ceux qui ont décompensé gravement physiquement ou psychiquement pendant l’année, à ceux qui envisagent avec terreur le retour au travail ; de ceux qui calculent inlassablement comment s’échapper par un moyen ou par un autre et qui ne se reconnaissent pas eux-mêmes car avant ils aimaient leur travail , à ceux qui ont décider de " s’en foutre "  " parce que c’est trop débile "…….Nous voulons le répéter , il y a de la maltraitance au travail , du mépris , de l’incivilité , de la violence au travail .Nous sommes confrontés à la perte de sens , la mise en concurrence sauvage aboutissant à l’individualisation destructurante.

Concernant le monde du travail, nous osons parler de " magma infâme ", car nous faisons référence à notre sensation de nous confronter non plus à une société d’êtres humains entrain de bâtir une œuvre commune mais à un monde qui devient effrayant parce que de plus en plus confusionnel et incohérent .Les salariés ne savent plus où est leur place, leur mission, leur légitimité. Les décideurs sont loin ; les ordres et les contre-ordres arrivent par fax ,de plus en plus inadéquats par rapport à la réalité du travail . " On n’a pas les moyens d’être responsable de son travail mais on vit dans la terreur d'être coupable " . La charte de la communication est affichée aux murs de l’entreprise " mais on ne se parle plus car c’est une perte de temps " ;on se laisse des post-it ou des messages informatiques : certains cadres racontent qu’ils n’ont pas la possibilité matérielle de les lire !cela prendrait trop de temps .Toute relation humaine nécessaire pour œuvrer ensemble est une perte de temps. Parfois , en plus , dans ce contexte schizophrénique , certains managers utilisent volontairement la confusion comme moyen de manipulation. Au lieu d’œuvrer à la construction d’une réalisation commune qui crée du lien et du sens dans une confiance réciproque , chacun s’enferme dans l’isolement par peur d’être la prochaine victime , le prochain coupable désigné des dysfonctionnements inéluctables .

Nous vivons nous-mêmes les tentatives d’interprétations , de manipulations de nos interventions et prises de positions sur les questions de santé au travail , les tentatives de nous détourner de nos missions préventives dans le contexte où parler simplement de la réalité des problèmes et des menaces qui pèsent sur la santé est vécu comme une ingérence scandaleuse car cela gène la marche inexorable de ce rouleau compresseur de la rentabilité qui n’a que faire de l’humain ..

B- Mais nous avons aussi un autre faisceau d’indices à la lecture de l’actualité qui est tout aussi impressionnant

1-Premièrement les catastrophes répétées et tristement didactiques sur les carences préventives

" A l’extérieur " , dans la vie des citoyens , par l’intermédiaire des médias , nous voyons bien aussi exploser les déflagrations de catastrophes scandaleuses et répétitives , dont le mécanisme est similaire à ce que nous constatons et dont chacun se demande quand on voudra bien en tirer les conclusions : bien réelle explosion de Toulouse , bateaux poubelles ( en 1999 nous faisions le parallèle avec l’Erika , et voilà maintenant le Prestige ….), MétalEurope : toutes ces faces émergées de l’iceberg ne nous surprennent pas , vu ce que nous en voyons de la face cachée. L’affaire MétalEurope présente tous les ingrédients du déni des risques qui est notre pain quotidien ! Cette affaire toute récente illustre bien ausssi deux déterminants massifs de la non-prévention : la non-prise de responsabilités des pouvoirs publics en temps utile et l’attitude pathétique des salariés qui vont privilégier leur emploi même si celui-ci est toxique pour leur santé .Il a fallu la fermeture de cette usine pour que l’on entende enfin parler de ce scandale et des " patrons –voyous ".

Alors que les ouvriers mais aussi les enfants habitant les environs sont intoxiqués au plomb depuis des dizaines d’années et que la préfecture recommande de ne pas manger les légumes de son jardin , certains (même parmi les victimes ) parlent de dramatisation et incriminent de faux coupables par peur de dénoncer les vrais : " c’est la faute des 35 HEURES " !Nous connaissons bien ces mécanismes d’intériorisation de la toute puissance de ceux qui décident , on cherche alors une issue à sa ranceur en attaquant le voisin ou d’autres boucs émissaires :  " autour de PENAROYA , l’ambiance est détestable " écrit un journaliste .Par ces mécanismes de division et de peur , nous le voyons , nous aussi , l’ambiance , dans bien des entreprises est devenue détestable .

On voit bien là les rapports très intriqués , du mépris de l’humain dans le monde du travail et de certaines formes de violence sociale . Il est urgent de décloisonner ces mondes.Ce cloisonnement est factice puisque ce sont les mêmes personnes qui sont salariés et citoyens ; ce cloisonnement n’est utile qu’à l’occultation de la réalité .Nous l’avons écrit après le choc politique du 21 avril 2002 , il y a une immense violence à dénier et camoufler tous les blessés et laissés pour compte du travail .

 

 

2-Deuxièmement Il y a aussi à rechercher dans la violence exercée par l’organisation du travail sur les salariés certains ferments indéniables de la violence sociale

.

Nos précédents rapports en ont fait la description , mais nous pouvons dire que les choses dans ce domaine dépassent les limites .Nous sommes de plus en plus accaparés par des problèmes de violences relationnelles et devant la carence de nos moyens , nous n’avons guère que l’accompagnement et l’inaptitude pour protéger un tant soit peu le salarié .C’est un des motifs principaux de nos inaptitudes .Un bon indice également est la manière dont le médecin du travail est lui-même traité dans une entreprise : si l’on se permet de maltraiter le médecin , c’est que cela est bien pire pour les salariés .Or , il n’est plus rare maintenant que nous soyons l’objet d’incivilité ou même d’agressions . Du simple " taisez-vous " en réunion parce que nous demandons des améliorations de conditions de travail , aux insultes parce que nous avons prononcé une inaptitude , aux calomnies, aux menaces juridiques et même physiques nous goûtons à la palette de l’incivilité et de la violence au travail.

Nous nous inquiétions à juste titre du monde médico-social très fortement mis à mal .Dans ce secteur, la détérioration relationnelle dans un contexte de mise en échec à tous les niveaux de la hiérarchie,et les injonctions paradoxales grandissantes aboutissent à des situations incroyables génératrices de malaises voire même de violence .Comment s’occuper dans une telle ambiance de personnes en difficultés sociales , de handicapés , de personnes âgées .

Nous ne pouvons pas ne pas faire le lien entre toute cette violence au travail et la montée de la violence sociale sous toutes ces formes : du chauffard qui se défoule au volant ou qui tout simplement est au travail en train de remplir une mission urgente avec parfois même consigne orale " de ne pas respecter le code de la route " , au jeune casseur qui ne voit pas pourquoi il y aurait des règles dans la rue alors qu’il n’en voit aucune appliquée au travail, pour le respecter lui ou ses parents , à l’inquiétant pourcentage des suicides .

Comme l’a très bien dit Ignacio Ramonet "Dans un contexte où la logique de la compétitivité a été élevée au rang d’impératif naturel les violences et les délinquances de toutes sortes devaient naturellement se multiplier. "

2-FACE A TOUT CELA IL Y A L’ABSENCE AVEREE DE VOLONTE POLITIQUE DE FAIRE EXISTER UN SYSTEME DE PREVENTION EFFICACE DANS LE MONDE DU TRAVAIL :

Récemment, les axes prioritaires annoncés par le gouvernement dans le cadre d’une politique volontariste et ferme, laissent à nouveau de côté le monde du travail

 

 

A-Première priorité :Tolérance zéro aux abus –Limites au non respect des règles "

Tous les marqueurs de dysfonctionnement dont nous venons de parler signent la faillite d’un système de prévention malade d’une absence de volonté politique pour qu’il fonctionne vraiment .Nous le voyons bien :quand la volonté est là les choses avancent très vite .Pourquoi un cas de listériose chez un consommateur est-il suceptible d’entrainer la fermeture de l’entreprise fabriquante , pourquoi les vétérinaires ont-ils un pouvoir coercitif en cas de non respect des règles d’hygiène alors que , quand des médecins du travail alertent depuis plus de dix ans sur le taux faramineux de 80% de salariés atteints de pathologies d’origine professionnelle dans certains abattoirs de volailles (chiffre recalculé récemment et toujours d’actualité) aucune injonction ne semble possible pour que cela s’arrête ? Le consommateur sera protégé par le principe de précaution mais l’Etat se lave les mains du fait qu’il laisse sa santé au travail . Pourquoi place-t-on un médecin du travail dans chaque entreprise pour surveiller et alerter s’il n’y a aucun relais à l’alerte ?

Pour défendre les valeurs de la République notre ministre de l’Intérieur affirme une volonté claire de ne pas laisser dépasser certaines limites au non-respect des règles afin d’assurer la sécurité de tous .C’est sûrement nécessaire mais doit s’appliquer à tous les citoyens , à tous les secteurs de la vie sociale . Or, ce n’est plus un secret pour personne que le Code du travail est en permanence bafoué dans les entreprises alors que celui-ci est lui-même porteur de bon nombre de principes de prévention .La faillite du système de prévention en Santé au Travail n’est pas par carence d’information, ni par insuffisance d’évaluation mais par absence de volonté réelle que cela change .Imaginons un peu le gendarme au bord de la route n’ayant que les moyens de compter les infractions sans jamais pouvoir intervenir !C’est le lot des préventeurs en Santé au Travail 

L’énergie des médecins du travail , comme des autres acteurs de prévention est gaspillée (voir l’exemple des abattoirs) ou détournée de son but au sein d’une pluridisciplinarité malade de ne plus savoir pourquoi elle est là et n’osant pas dire qu’elle ne fonctionne pas par difficulté à s’avouer son impuissance ou par peur d’être désignée comme la coupable . La boucle du fonctionnement stérile se mord la queue .L’évaluation , encore et toujours est le maître mot mais comme s’était écriée une collègue , déjà en 1996 aux Etats Généraux de la Mutualité Française " quand nous aurons fini d’évaluer , ils seront tous morts ".

 

B-Seconde priorité :" la lutte contre le cancer "

Notre Ministre de l’Intérieur parle de tolérance zéro pour les infractions au Code de la route . Il est amené à cette affirmation du fait des 8000morts par an sur la route .Les pathologies professionnelles étant en constante augmentation alors que les chiffres de la sécurité routière ne font que diminuer depuis trente ans , pouvons –nous espérer qu’il se laissera émouvoir par les 7000 morts par an par cancers professionnels et qu’il prendra également des décisions fortes tirées de la leçon dramatique de la mortalité par l’amiante qui n’a pas encore atteint son acmé d’après les spécialistes ? Le professeur Abenhaim , directeur général de la Santé et Président de la commission d’orientation sur le cancer s’inquiète " des disparités frappantes dans la reconnaissance des maladies professionnelles et pense qu’il doit y avoir une approche populationnelle de santé publique en médecine du travail. ".La lutte contre le cancer est une priorité de l’ETAT mais si la France , de l’avis de tous les spécialistes, présente un bon système curatif ,elle a une carence grave en matière de prévention .Les cancérologues attirent eux-mêmes l’attention sur la sous–estimation de l’exposition aux risques professionnels ; nous pouvons ajouter que nous constatons , à côté de l’exposition aux cancerigènes véritablement professionnels une part non négligeable des mauvaises conditions de travail comme déterminants de l’alcoolisme et du tabagisme , coût caché du mal-être et du besoin de phénomène de compensation .Nous n’avons pas toujours été bien reçus , il y a quelques années quand nous écrivions que l’air était pollué dans bien des P.M.E . mais nous rappellerons encore et toujours l’incroyable différence d’espérance de vie entre un cadre et un ouvrier.

 

Nous conclurons avec Danièle Linhart que " la modernisation sociale implique un véritable droit de regard de la société sur les conditions dans lesquelles s’opère la mise au travail des salariés .Il y va de l’avenir démocratique du pays . "

 

 

Le cumul des atteintes à la santé , le cumul des signes nombreux de désespérance contraste de manière de plus en plus angoissante, pour nous , avec le calme blanc des instances sociales et médiatiques qui semblent ignorer ce qui se passe dans le monde du travail .L’hégémonie productiviste a crée un fossé abyssal entre deux mondes qui sont devenus totalement incapables de se comprendre et même de s’entendre .Le monde des décideurs et des gestionnaires est pris plus ou moins consciemment dans une logique totalement éloignée de celle de la grande masse humaine qui semble hébétée par ce discours aux antipodes des exigences de son travail comme de son humanité.Les limites de la tolérance sont atteintes et les préventeurs que nous sommes ne peuvent arriver à faire entendre les vraies causes des problèmes .En effet notre référentiel fondé sur les exigences de l’être humain n’a plus rien de commun avec celui des décideurs qui ne peuvent entendre notre discours .L’affrontement de ces deux mondes parallèles incapables de communiquer devient insupportable pour les salariés comme pour les préventeurs. Les clés de la prévention ne peuvent venir que d’une rerégulation, apportant un cadre référentiel qui redonne à tous un langage commun .N’ayant pu nous faire entendre par nos précédents interlocuteurs ,nous nous tournons vers les mouvements sociaux car nous constatons " que notre système actuel est devenu incapable de résoudre les problèmes . "

Etant donné les conséquences désastreuses des atteintes à la santé dues au travail pour des millions de salariés , nous voulons apporter notre expérience et nos analyses d’acteurs de terrain pour attirer l’attention des mouvements sociaux comme ATTAC sur l’urgence à intégrer le cortège des ravages humains dans le monde du travail à la place majeure qui est la sienne. La première action nécessaire est de sortir ces questions essentielles de l’occultation perverse dans laquelle elles s’embourbent .Concrètement , et pour espérer pouvoir déboucher sur une réelle transformation , il nous paraît essentiel de ne pas diluer le thème SANTE AU TRAVAIL dans la généralité des questions de SANTE .En ce qui le concerne ce thème de Santé au Travail , tout est à construire et à travailler :de la mise en visibilité à grande échelle à sa libération de l’hégémonie productiviste .C’est pourquoi aujourd’hui nous souhaitons interpeller les responsables d’ATTAC pour qu’une commission nationale de Santé au Travail soit créée en son sein .

ATTAC :mai 2003 /DEFENSE DES SERVICES PUBLICS DE SANTE

COLLECTIF DES MEDECINS DU TRAVAIL DE BOURG en BRESSE :LA SANTE AU TRAVAIL

Nous pourrons alors espérer qu’une journée comme celle-ci permettra de dépasser ce qu’Alain LIPIETZ appelle " le traitement compassionnel des dégats sociaux " pour aller vers l’action c’est à dire une pression sociale forte pour l’établissement des conditions indispensables à la mise en place d’une vraie prévention en Santé au Travail.

 

COLLECTIF DES MEDECINS DU TRAVAIL DE BOURG EN BRESSE

RAPPORT ANNUEL 2002

CONCLUSION COMMUNE DE SANTE AU TRAVAIL

 

Ecrit par libertad, le Vendredi 20 Juin 2003, 10:24 dans la rubrique "Ressources".