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Syndicat Sud Travail Affaires sociales du Ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale
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Sud Travail Affaires sociales
Sur le rapport de la commission de Virville, DRH du groupe Renault
Pour la presse, le rapport de Virville est devenu synonyme de CDD de 5 ans. Cette focalisation médiatique a eu le mérite d’alerter l’opinion publique sur ce projet de sabordage des garde-fous existant encore en droit français contre la précarisation totale des salariés.

Il n’en demeure pas moins que ce rapport recèle une masse de propositions qui constituent, à des degrés variables, autant de mines destinées à saper des constructions juridiques telles que le droit du contrat de travail, le droit des représentants du personnel, mais également des agencements, judiciaires notamment, jugés inefficaces, obscurs et peu sûrs.

Très rapidement, la lecture du rapport révèle que sont particulièrement visées les dispositions du code du travail protégeant les droits individuels du salarié, ou les droits collectifs du personnel et de leur représentation, mais également certaines procédures d’élaboration de ces mêmes droits (législateur) ou permettant de les faire respecter (juges).

Il ne s’agit certes que d’un rapport déjà passé à la trappe médiatique et dont pour l’instant aucune proposition ne paraît vouée à devenir dans l’immédiat une clause de loi.

Mais l’objet essentiel de ce type d’opérations (commission-rapport-battage médiatique) est peut-être davantage une manœuvre de normalisation de certains énoncés, du type " CDD 5 ans ", de banalisation de l’impensable ou de l’inacceptable, afin que, lorsque l’une de ces propositions fera l’objet d’un projet de loi ultérieur, chacun puisse se dire : " j ai déjà vu ça quelque part ".

Ne s’agit-il pas avant tout de répandre en fait dans le corps social des mots d’ordre, à forte connotation sécuritaire (justice inefficace, droit des contrats illisible, code du travail peu sûr), et de les laisser poursuivre leur chemin insidieux dans les cerveaux ?

Il n’est donc peut-être pas vain d’en cerner la portée, avant leur retour possible.

 

 

 

 

 

 

L’INDIVIDUALISATION DE LA RELATION DE TRAVAIL : LE SALARIE A

POIL DEVANT L’EMPLOYEUR

 

Au cœur du rapport est formulée une série de propositions ( § 4-1 )à seule fin, nous dit la commission, de " rendre le code du travail plus sûr pour les salariés comme pour les entreprises " et de " sécuriser la relation de travail ".

Une sécurisation indéniable ne peut que résulter de telles mesures, mais le seul bénéficiaire en sera l’employeur. Jugez-en :

  • Un contrat écrit sera obligatoirement établi, en cas de conclusion de CDI, mais contrairement aux autres contrats ( CDD, temps partiel, intermittent, travail temporaire), " sans pour autant exiger l’écrit en condition de validité du contrat " ! C’était sans doute trop de sécurité pour le salarié…il n’aurait pas supporté.(Prop.14)

  • Le contrat de travail devra obligatoirement mentionner les éléments suivants : nature du contrat, rémunération, secteur géographique (lieu de travail), qualification et durée du travail. Mais " les éléments de la relation de travail non contractualisés resteraient soumis aux règles de droit commun applicables aux normes dont ils sont issus(accord collectif,…) "(commentaire de la Prop.15) : que dissimule une formulation aussi peu claire, sinon que les autres éléments, les cinq " piliers " contractualisés, eux, ne seraient pas soumis aux accords collectifs (et à l’obligation de l’application de la règle la plus favorable ) ?!

Si ces craintes se confirment, ce serait une attaque de plus et considérable contre le principe, d’ordre public, de la hiérarchie des normes en droit social : le contrat de travail n’aurait plus pour seule obligation que de respecter la loi.( c’est donc ça, cf.§5 ," donner toute sa place à la négociation collective "?…) .

  • " valoriser la rupture négociée du contrat de travail, pour éviter  les faux licenciements ".(Prop.17). Il y a fort à parier qu’une telle mesure aurait pour conséquences immédiates, pour les salariés quittant l’entreprise dans ce cadre, une diminution des indemnités de rupture du contrat et, plus grave encore, des allocations Assedic .

  • le " contrat de projet ", baptisé par les médias " le CDD de 5 ans " (Prop.19) .

Deux remarques :

-en fait, la commission ne précise pas sa durée maximale : elle pourrait être de 2, 3 ou 5 ans, mais davantage encore si le contrat correspond à un projet d’une durée supérieure .

-le but ultime de la manoeuvre ici, outre d’autoriser des contrats de cette durée, n’est-il pas davantage d’accréditer l’idée de la normalité, à rang égal avec le CDI, du CDD, et donc de le banaliser, puisque sa durée désormais, de 3,4,5 ans, voire plus, serait en fin de compte égale, sinon supérieure à celle de nombreux CDI….

  • deux autres propositions sont révélatrices de la volonté des membres de la commission de verrouiller, par le contrat de travail ou par la loi, le statut du salarié, ce qui signifie, concrètement, de lui interdire d’intenter ultérieurement tout recours ou contestation :

-" les usagers du droit du travail ", euphémisme de faux-culs désignant l’employeur, pourraient choisir entre le statut de salarié et celui de travailleur indépendant (Prop.22). (Imaginez la marge de manœuvre du chômeur, lors de l’entretien d’embauche, qui ne veut pas de statut, quasiment toujours bidon, de travailleur indépendant…).

Les accords collectifs sont quant à eux relégués au rôle de fournisseurs de contrats-types :le salarié n’aura plus qu’à cocher librement la case que lui désigne librement l’employeur.

-" la loi pourrait préciser que l’exécution d’un contrat de prestation de services ne constitue pas une opération de prêt de main d’œuvre " sous réserve de respecter, certes, deux conditions, mais parmi lesquelles ne figure pas, curieusement, celle de l’autonomie de la prestation de services à travers le critère décisif, pour caractériser le prêt de main d’œuvre illicite, du lien de subordination des salariés de l’entreprise sous-traitante : une nouvelle tentative d’ escamotage pour (tenter de) blanchir d’avance la majorité des opérations de marchandage, réédition de la loi Madelin de la précédente décennie(Prop.23).

Il s’agit d’inscrire et de figer dans le contrat de travail des éléments de plus en plus nombreux relatifs au statut du salarié, à ses droits et obligations les plus importants, et de le verrouiller le plus largement possible, au moment où le salarié( ou plutôt celui qui aspire à le devenir) est dans la situation de vulnérabilité et d’isolement la plus forte : à l’embauche.

Car les membres de la commission de Virville sont les derniers à (prétendre) croire à la célèbre fable (dite du Renard libre dans le Poulailler libre) de la liberté des salariés lors de la conclusion du contrat de travail (cf.en ce sens le commentaire suivant la prop.15, et celui précédant la prop.21)

Ce cynisme se targuant de modernité n’est que la traduction exacte de la volonté d’atomisation et d’individualisation des relations sociales propre aux libéraux depuis le 19ème siècle .

 

 

 

REPRESENTANTS DU PERSONNEL : ON BRADE // SYNDICATS : ON LIQUIDE.

 

  • La proposition la plus offensive dans ce domaine est sans conteste celle de la création d’une institution unique de représentation du personnel dans les entreprises de 50 à 250 salariés : le " Conseil d’entreprise ". Ses membres exerceraient tout à la fois les attributions des DP, du CE et des DS (Prop.24, due au sieur Breuzard, membre de la commission de Virville, et accessoirement président du Centre des Jeunes Dirigeants).

C’est l’acte d’enterrement du monopole syndical de négociation des accords d’entreprise (même si la commission de Virville, bon prince, maintient le monopole de signature des DS).

En effet, même si ce monopole est battu en brèche depuis quelques années (loi de nov.1996, loi Aubry 2), la négociation des accords d’entreprise demeure, à ce jour encore, l’attribution la plus spécifique, avec les fonctions de revendications, des sections syndicales et de leurs délégués.

Une telle réduction de cette spécificité ne peut que signifier la destruction de l’équilibre, établi depuis 1968 et 1982 dans notre droit social au sein de l’entreprise entre légitimité syndicale et légitimité électorale, au détriment de la première.

Le projet de loi Fillon, " relatif au dialogue social ", pourrait presque paraître, sous cet angle, modéré, puisqu’il n’attribue de pouvoirs de négociation aux membres du CE ou aux DP " qu’en l’absence " de DS dans l’entreprise, et sous réserve d’approbation de l’accord par une commission de branche.

  • La proposition 31 , unifier la notion d’établissement distinct, s’inscrit dans cette même logique de nivellement des IRP (institutions représentatives du personnel), logique d’abolition de leurs spécificités, ce qui signifie, à terme, la réduction de leur raison d’être, et donc de leur nombre, de leurs attributions et de leurs moyens.

Mais les autres propositions, en matière de représentation du personnel, ne doivent pas non plus être négligées :

  • Alors qu’il s’agit, selon la commission, " d’améliorer le fonctionnement des institutions représentatives du personnel ", aucun renforcement des IRP dans les entreprises de moins de 50 salariés n’est proposé, ni en nombre, ni en moyens (à l’exception de la remise d’un document d’informations économiques) : on veut faire négocier les DP, mais pas une heure de délégation de plus !..

  • Il sera possible de supprimer le comité de groupe quand l’entreprise sera dotée d’un comité d’entreprise européen (Prop.25) : c’est sans doute en supprimant des représentants élus à ce niveau qu’on "favorise le dialogue social" à l’heure de la mondialisation…

  • La proposition 28 a de quoi surprendre: la commission se rappelle soudain l’existence du lien de subordination! Pour sécuriser une disposition favorable aux salariés, pensions-nous naïvement : erreur grossière ! Non, juste pour diminuer le périmètre des électeurs à l’occasion des élections professionnelles(CE, DP, DUP, etc…) en ôtant de l’effectif pris en compte les salariés mis à disposition par les entreprises extérieures (et en cassant ainsi, soit dit en passant, une jurisprudence contraire de la Cour de cassation, plus favorable aux salariés).

D’où le résultat issu de l’équation sécuritaire suivante : moins d’électeurs= moins d’élus.

  • La commission propose de doubler la durée de la mandature des élus (DP, CE, etc.. ;), de 2 ans actuellement, à 4 ans (Prop.30). Nous estimons qu’elle doit être rejetée en raison de son caractère anti-démocratique :

-ce serait en effet diminuer considérablement la possibilité qu’ont, aujourd’hui tous les 2 ans, les salariés de renouveler par leur vote leurs représentants, de les sanctionner ou de les maintenir.

-ce serait aussi accroître un double risque : d’une part de " professionnalisation ", dans la durée, des élus, et d’autre part de découragement des éventuels candidats en raison de la longueur du mandat.

  • Dans l’enthousiasme de leur mission simplificatrice, les membres de la commission proposent un rapport unique annuel en lieu et place des informations diverses que l’employeur doit au CE actuellement (Prop. 32).

 

Il faudrait être singulièrement naïf pour penser que la transposition en un seul rapport annuel ne va pas entraîner une diminution des informations dues au CE et, par glissement, de facto, de ses attributions (cf.le sous-titre précédant cette proposition :  " clarifier les attributions du CE " ) .

Par ailleurs, la périodicité annuelle de ces informations risque bien évidemment, pour la plupart d’entre elles, d’en diminuer très fortement l’intérêt et la pertinence (ex : les infos trimestrielles, dans les entreprises de 300 salariés et plus, sur l’évolution dans l’entreprise des emplois permanents et précaires(CDD, intérim, etc…de Virville connaît bien, chez Renault…).

  • Tout aussi insidieuse, la proposition 38 qui veut en finir avec le principe de stricte séparation des deux budgets du CE (fonctionnement/ activités sociales et culturelles) .

Le risque évident d’une telle mesure est double : d’une part la diminution du volume global des deux dotations, et d’autre part des transferts trop importants sur le budget des activités sociales, qui en cas de besoin imprévisible (pour contrer une procédure de licenciement collectif, par ex.) laisseraient le comité démuni de moyens financiers pour exercer ses droits (en justice, notamment).

  • Il faut favoriser le dialogue social mais, n’abusons pas, pas trop entre les représentants du personnel eux-mêmes . D’où le verrou-proposition 34 : "  en cas de succès de la négociation, l’accord qui en résultera ne fera pas l’objet d’une consultation ", même si l’objet de cet accord entre dans le champ de compétences du CE.

Ainsi, à l’heure où l’on prône les accords dits de méthode, un CE ne sera pas consulté sur les règles de sa propre consultation, qui viennent d’être définies par accord avec un ou des syndicats, alors même que l’employeur déclenche une procédure de licenciement collectif l’obligeant à consulter bien sûr le comité…

C’est bien d’un programme d’affaiblissement de la représentation du personnel à tous les niveaux  dont il s’agit: diminution du nombre des institutions, du nombre des élus, de leurs moyens financiers, de leur information et de leurs attributions. Comment simplifier la gestion patronale en neutralisant les contre-pouvoirs dans l’entreprise.

 

 

 

DE LA BONNE METHODE POUR SIMPLIFIER LE DROIT DUTRAVAIL : VIRER LE JUGE ET LE LEGISLATEUR.

 

Le procédé-type d’argumentation de la commission relève, ni plus ni moins de la méthode Coué, et de l’escroquerie intellectuelle : on avance un énoncé qu’on présente comme une évidence, qu’on peut donc poser comme un postulat ; et à partir de là, on peut proposer, sans vergogne, les " profonds changements " nécessaires.

Ainsi (§1-3), la commission nous explique dans un premier temps que si le code du travail est mal appliqué, et notamment dans les PME, ce n’est pas par mauvaise volonté patronale, mais parce que " le code du travail s’est étendu et complexifié ". Ce qui " alimente une insécurité juridique croissante et contribue à mobiliser l’appareil judiciaire autour de l’objectif du renforcement de la protection des salariés, entraînant une sorte de concurrence entre le législateur et le juge dans la production de la règle de droit (sic !) ".

Voilà enfin dévoilée la lutte sans merci que se livrent au sommet de l’Etat le pouvoir judiciaire (tous des rouges, vient-on de nous dire) et le pouvoir législatif : bref, un ramassis d’irresponsables à qui on ne peut plus continuer de confier une chose aussi sérieuse que l’avenir de l’Entreprise française !

D’où l’urgence de mettre de mettre sur la touche ou, au moins, de museler ces empêcheurs de gérer en rond dont l’activité débridée confine au sabotage :

  • afin de rendre le droit du travail " plus lisible et plus accessible ", "  la commission recommande de procéder à une refonte constructive du Code du travail…par voie d’ordonnance " et ainsi " toucher, sur des points mineurs, au fond du droit "(Prop.3).

  • de même, elle préconise " d’insérer dans la loi, pour chaque réforme législative d’une certaine envergure, un article autorisant le gouvernement, par voie d’ordonnance, à tirer les conséquences techniques de cette réforme sur les dispositions qui se trouveraient indirectement affectées par elle mais que le Parlement n’aurait pas eu le temps de modifier "(Prop.5).

Ainsi, sous couvert d’alléger le dispositif législatif, on transfère sur le gouvernement le pouvoir de légiférer sur des " points mineurs ", nous dit-on, mais sans préciser, bien évidemment, ni cette notion de point mineur (mineur pour qui ?..) et encore moins qui décidera quand un point de droit est mineur ou non ( faudra-t-il, pour chaque point de droit, saisir le Conseil constitutionnel ?..).

Quand on réalise que le droit du travail s’est construit au fil de décennies d’une histoire sociale complexe, faite d’avancées et de reculs sociaux qui se sont traduit par des stratifications successives de textes de droits étroitement imbriqués et fortement interdépendants, on peut émettre les plus sérieux doutes sur le caractère limité de la refonte constructive (et destructive) préconisée.

Bref, les parlementaires n’ont pas le temps de faire et, quand ils l’ont, ne savent pas faire simple : poussez-vous, messieurs les honorables députés et sénateurs, le gouvernement se chargera de faire le ménage tout seul.

 

Mais le pouvoir judiciaire n’est pas mieux considéré.  Bardée d’une rigueur qui est tout sauf scientifique, la démonstration de la commission le cloue au pilori : " Comme on l’a vu, la jurisprudence est tenue, à tort ou à raison, pour l’une des causes de l’insécurité juridique dont se plaignent les différents acteurs du monde du travail "(§3).CQFD ! Et même si on le dit à tort, eh bien on va s’employer en urgence à mettre sous contrôle ces juges imprévisibles : la fiction de l’analyse s’évanouit, il ne reste plus que des mots d’ordre.

  • En ce sens, la commission " estime qu’il serait souhaitable d’encourager les juridictions à recourir à la procédure de saisine pour avis, de la Cour de cassation, notamment en droit du travail ". Outre l’allongement des procédures qui pourra en résulter, c’est bien à un renoncement, relatif mais réel, à dire le droit que la commission convie les juges du fond, après leur avoir fait la leçon.

  • Dans le même ordre d’idées, mais plus impérativement encore, la proposition 11 préconise la " saisine obligatoire " par le juge de commissions paritaires (qui incluent donc des employeurs) en cas de difficulté d’interprétation d’un accord.

La cible de la commission est on ne peut plus claire : l’indépendance des juges. " Soucieux de leur indépendance, les juges de première instance ou d’appel renoncent difficilement à leur liberté d’appréciation pour s’en remettre à la Cour de cassation, même si son avis ne les lie pas" (§3-1).

De nombreux patrons, tout comme certains politiques, n’ont jamais vraiment pu se résoudre à ce que les juges fassent appliquer le droit…(à noter que la commission, pourtant intarissable sur la lourdeur et la lenteur de la justice, ne réclame à aucun moment un renforcement, en nombre ou en moyens, des juridictions en droit du travail).

 

 

 

 

 

 

DE LA BONNE METHODE POUR SECURISER LE DROIT DU TRAVAIL : L’EMPECHER DE S’APPLIQUER .

 

Cela ressemble à un canular, mais la commission ne rigole pas :

  • aujourd’hui, une action en nullité contre une convention ou un accord collectif de travail est possible pendant 5 ans après la conclusion de cet accord. La commission propose (Prop.8) de réduire ce délai à… 2 mois ! Ce nouveau délai de forclusion ferait qu’un accord d’entreprise truffé de clauses illégales (donc défavorables aux salariés), ne pourrait plus être annulé après ces deux mois de forclusion.

  • de la même façon, mais cette fois en cas d’action indemnitaire, le délai de prescription, de 30 ans aujourd’hui , devrait selon la commission être ramené à 10 ans, soit réduit des 2/3, pas moins .(Prop.9)

Ce souci quasi obsessionnel de sécurité conduirait, si cette dernière proposition devenait effective, à interdire aux salariés de réclamer en justice des dommages et intérêts alors qu’ils ont été victimes d’infractions particulièrement graves commises par leur employeur, dont les conséquences ne peuvent très souvent être constatées, voire même connues du salarié, que bien après un tel délai de 10 ans : ainsi en matière de discrimination, mais également de maladies professionnelles, aux délais de latence souvent importants(cancers professionnels notamment), faisant plusieurs milliers de victimes chaque année.

  • et si les juges de la Cour de cassation parviennent malgré tout à juger, on leur permettra de " moduler les effets de leurs décisions dans le temps "(Prop.10) Ce qui devrait créer une situation inédite pour les salariés victimes de cette modulation innovante : ils auront la loi pour eux, mais n’en retireront aucun droit !

  • tout aussi significative , est la volonté de la commission d’imposer au salarié un délai impératif de 1 mois au maximum pour exprimer son acceptation ou son refus de toute modification de son contrat de travail, quel qu’en soit le motif :Prop.16 ( ce délai, très contraignant pour les salariés, n’existe actuellement qu’en matière de modification pour motif économique).

Ces propositions convergent parfaitement : elles visent délibérément à réduire considérablement, voire empêcher, les actions judiciaires intentées par les salariés ou leurs représentants contre les employeurs.

  • Peut-être plus grave encore, vu l'ampleur de la régression qu'elle génèrerait, la proposition 40 prévoit "de ne conserver en droit du travail que les sanctions réprimant les comportements (i-e: des employeurs) les plus graves".

Encore une fois est énoncée une pseudo évidence, absolument non démontrée ni étayée de quelque manière que ce soit, l'inadaptation de la sanction en droit du travail, pour déduire sans autre justification la proposition d'abandonner des pans entiers de la répression de la délinquance patronale! Pourquoi ne pas revisiter , avec cette même logique, les sanctions applicables aux abus de biens sociaux, aux affaires de stups, aux meurtres d'enfants, etc..?

Outre l'escroquerie supplémentaire que représente cette proposition (cf. également l'amalgame entre sanctions peu appliquées et comportements les moins graves: ex., peu de discriminations pénalement sanctionnées = la discrimination n'est pas une infraction grave…), elle est parfaitement scandaleuse: à l'heure de la surpopulation carcérale, de la répression croissante, en termes de peines de prison ferme, vis-à-vis des chômeurs, des travailleurs pauvres , des SDF, des étrangers et des mineurs, enfants inclus, il est inadmissible que soit ainsi accordée une impunité de cette ampleur, automatique de surcroît, au seul monde patronal.

Accessoirement, il ne faut pas perdre de vue que les logiques de prévention qui sous-tendent nombre de dispositions du droit du travail nécessitent que soient aussi sanctionnées pénalement les mesures préventives elles-mêmes: à défaut, c'est toute la construction qui s'effondre (mais n'est-ce pas là le but recherché? ).

  • Par ailleurs, "la commission préconise de reprendre, dans le code du travail, l'énoncé de principes fondamentaux du droit pénal."(Prop.42). Bien qu'elle s'en défende, il est plus que probable que soit ainsi visée par la commission, pour la supprimer et rendre ainsi les condamnations pénales des employeurs plus difficiles encore, la spécificité du droit pénal du travail, notamment en matière de sécurité des salariés (sanctions spécifiques, exigence moindre relative à l'établissement de l'élément intentionnel de l'infraction).

 

 

NEGOCIATION : ON AMUSE LA GALERIE

 

On peut remarquer dans un premier temps que la commission a formulé quelques propositions (très peu en fait) pouvant paraître intéressantes, comme la mise à disposition des négociateurs dans les petites entreprises d’une expertise ou d’un appui technique (Prop.46), ou le droit du salarié mandaté d’organiser des réunions et de prendre contact avec le personnel de l’entreprise (Prop.47).

Mais le continu dérisoire de ces deux propositions sont révélatrices du marché de dupes qu’elles cautionnent :

-la commission prévoit un financement de l’appui technique ou de l’expert " par les partenaires sociaux, dans un cadre paritaire ". Pour quiconque a étudié les litiges liés au paiement des expertises comptables au bénéfice des CE, il est évident que les syndicats patronaux freineront des quatre fers avant de financer des outils qui pourraient se retourner contre leurs adhérents.

-la proposition de droits pour le mandaté est un double aveu, celui de l’indigence de ses droits et moyens actuels, mais aussi celui de la volonté de la commission de le maintenir dans un corset de droits étriqués: aucune heure de délégation spécifique, par ex., ne lui est accordée.

A négocier sans péril, on triomphe peinard.

  • Bien plus inquiétante, la proposition 44 prévoit un délai de deux ans (dans ce sens, la marge est confortable…) à compter de l’entrée en vigueur d’une loi nouvelle, délai durant lequel un accord préexistant resterait valide et donc applicable, alors même que les dispositions de cet accord sont remis en cause par les dispositions de cette loi nouvelle et sont moins favorables qu’elles.

Ici, toujours au nom de la sacro-sainte sécurisation juridique (pour qui ? pour quoi ? etc..), la commission ouvre une brèche très importante dans le principe de la hiérarchie des normes, qui va au-delà de la casse de ce même principe amorcée dans l’actuel projet de loi Fillon sur la négociation collective : l’accord d’entreprise pourrait contenir des dispositions non seulement moins favorables que celles de l’accord de branche (projet Fillon), mais également, en vertu de cette proposition, moins favorables que les nouvelles dispositions légales, et néanmoins cet accord resterait applicable pendant encore 2 ans ( soit presque la moitié de la durée du mandat du député qui a voté la loi…).

  • Enfin, la commission nous apprend qu’" il faudra  mettre en place un instrument permettant de mesurer l’audience des organisations syndicales, une consultation des salariés dans les branches et dans les entreprises tous les cinq ans ", oubliant, lapsus révélateur, qu’il existe déjà des élections professionnelles dans les entreprises et surtout , tous les cinq ans aussi, des élections prud’homales ( lesquelles mesurent aussi la représentativité des syndicats patronaux : est-ce là ce qui déplaît ? ).

 

 

LE BOUQUET FINAL : HARO SUR LA DUREE DU TRAVAIL

 

Il est en effet tout à fait surprenant, après d’aussi longs développements vantant la simplification, la lisibilité et la clarification du droit, que la commission, s’intéressant à la durée du travail (annexe), prône sans rire :

  • l’extension du système des équivalences (système archaïque, injuste et complexe incluant des heures de travail, dites de présence, non payées) dans toutes les branches, alors que l’évolution générale du droit depuis un quart de siècle tendait à leur suppression dans plusieurs branches (gardiennage notamment),

  • la multiplication, par accord, des possibilités de fractionnement des congés des salariés,

et qu’après d’aussi fréquents et lassants plaidoyers pour " un droit du travail plus sûr ", elle préconise sans la moindre retenue :

  • l’abandon de l’obligation de clauses de programmation du temps de travail dans les accords de modulation , et, dans le même ordre, l’éclatement du cadre mensuel du contrat de travail à temps partiel, deux mesures qui ne pourraient qu’accroître pour les travailleurs l’imprévisibilité tant de leur temps libre que de leur temps travaillé,

  • l’abandon de la garantie de la règle la plus favorable, pour les salariés, d’indemnisation des congés payés,

  • l’extension du forfait en jours aux salariés itinérants, même non cadres.

Autant de reculs sociaux d’une gravité évidente pour les salariés, enfin sûrs - amères certitudes- de comprendre de moins en moins des règles de plus en plus illisibles régissant la durée de leur travail, et de ne voir au bout du compte que leur rémunération diminuée et leur temps de travail éclaté ou augmenté.

 

 

 

CONCLUSION ?

 

Au fil des pages, ce rapport dévoile sa raison d’être : une machine de propagande antisociale et antidémocratique :

-d’abord par sa composition : sur 9 membres , pas un parlementaire, pas un syndicaliste (et vive la concertation sociale ! !), un seul magistrat, ancien conseiller à la Cour de cassation. Par contre, deux DRH de multinationales (Renault, Thales), deux avocats dont l’un célèbre pour ses positions pro patronales et, cerise sur le gâteau, le président du Centre des Jeunes Dirigeants.

-ensuite, en ce qu’il assène lourdement un discours éminemment sécuritaire , à l’opposé de toute justice sociale, reposant sur une décridibilisation insistante , parfois à la limite du dénigrement outrageant, des travaux législatifs ou du

rôle des juges. Les patrons ne digèrent toujours pas la séparation des pouvoirs, a fortiori quand elle contrarie le leur, aussi peu que ce soit.

-enfin parce qu’il met en perspective une régression sociale de grande ampleur, sur fond d’atomisation des relations sociales et de fragilisation accrue de la condition salariale, d’affaiblissement évident des contre-pouvoirs syndicaux et représentatifs dans l’entreprise.

Ironie et ruse de ce projet, ce sont ces contre-pouvoirs eux-mêmes qui sont conviés à sa mise en œuvre à travers la négociation tous azimuts et " affranchie " de la hiérarchie des normes: " La négociation collective favorise l’adhésion des acteurs du monde du travail aux règles de droit " (§5).

Nous voilà prévenus.

 

 

 

Le 17 mars 2004

Ecrit par libertad, le Mercredi 14 Avril 2004, 09:10 dans la rubrique "Actualité".