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Syndicat Sud Travail Affaires sociales du Ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale
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Sud Travail Affaires sociales
Hygiène et sécurité : des droits durement conquis
--> Historique de l'hygiène et de la sécurité
I L’ANCIEN REGIME / L’ETAU DES CORPORATIONS



II LE PACTE REVOLUTIONNAIRE (1789)


  • L’idéal révolutionnaire, la règle du contrat

  • La loi LE CHAPELIER

  • Tous citoyens ! Tous égaux !


III LA REVOLUTION INDUSTRIELLE


Une classe ouvrière en formation :

  • 1 le prolétariat des fabriques

  • 2 la condition ouvrière

  • 3 les conditions de travail

  • 4 le travail des femmes et des enfants

  • 5 la paupérisation



III LES REMISES EN QUESTION (1830-1848)


1°) Le patronat mulhousien et le christianisme local

2°) les hygiénistes : l’apport de VILLERME

3°) Le courant socialiste : la naissance du mouvement ouvrier



IV LES IDEES SOCIALISTES : LES PREMIERES LOIS SOCIALES ( 1841-1900)


  1. La protection des femmes et des enfants ( 1874)

  2. La liberté syndicale est reconnue (1884)

  3. Création d’un office du travail ( 1891)

  4. Première loi générale du travail(1893)

  5. Reconnaissance des accidents du travail (1898)

  6. La Troisième République et l’intervention de l’Etat



V RETOUR EN ARRIERE : LA NAISSANCE DU MOUVEMENT SYNDICAL


  1. Le rôle des Bourses du travail

  2. La grève générale : le mythe du grand soir



VI L’AUDACE LEGISLATIVE DE « LA BELLE EPOQUE »


  1. Durée du travail

  2. Développement de la réglementation hygiène et sécurité : décrets du 10 juillet 1913.

  3. Ebauche d’un système de prévention sociale




  1. Une administration du travail se met en place

A Naissance de l’Inspection du Travail

B Le Conseil Supérieur du travail

C L’office du travail

D Le ministère du Travail

E Un début de codification



VII L’ESSOR DU MOUVEMENT OUVRIER ET SYNDICAL


1914-1918 : l’Union sacrée

1920 : Congrès de TOURS : adhésion des socialistes français à la IIIème internationale.

S.F.I.O et S.F.I.C qui deviendra le PCF en 1922.

Grandes grèves de 1919-1920

Rupture syndicale : C.G.T et C.G.T.U

1919 : Naissance de la C.F.T.C

25 mars 1919 : Négociation collective

30 avril 1930 : Création des Assurances sociales

11 mars 1932 : Création des Allocations familiales



VIII LE FRONT POPULAIRE (1936) ; LA CONQUETE DE DROITS NOUVEAUX


  • A Négociations collectives

  • B Les délégués du personnel

  • La semaine de 40 heures

  • D Les congés payés



IX LA PARENTHESE DE VICHY



X LES DROITS ISSUS DE LA LIBERATION ( 1945-1950)


  • Les institutions représentatives du personnel

  • La médecine du travail



XI L’ELARGISSEMENT DES DROITS FONDAMENTAUX (1968-1981)


Les accords de Grenelle, le relèvement des salaires, l’élargissement des congés payés.(1968)

La section syndicale d’entreprise (1968)

L’aménagement des contrats de travail

Intervention dans les domaines économiques et de l’emploi.



XII 1981 NOUVELLE VAGUE DE DROITS RECONNUS AUX TRAVAILLEURS



XIII 1985-1995 L’IRRUPTION DU DROIT EUROPEEN



CONCLUSION : Le ministère du travail aujourd’hui.



I - L'ANCIEN REGIME




Le droit du travail régit les relations professionnelles individuelles et collectives, entre les employeurs et les salariés ; c’est un droit de subordination.

Droit Romain : Le louage de service est soumis aux même règles que le droit des choses car le travail est pour l’essentiel assuré par des esclaves, privés de droits. Il n’y a donc pas de rapports juridiques de personne à personne.

Peu d’influence romaine en droit du travail (contrairement au droit civil). Mais l'action émancipatrice des principes chrétiens aura une influence.

La royauté fonctionne dans le cadre du métier. Ce qui engendre un cadre juridique protecteur et contraignant. Ces relations sont balayées par la révolution qui fait «table rase» Jusque là, la législation du travail a tenu, pendant un demi-siècle, en 2 articles du code civil sur le louage de services et son aspect répressif : loi de police de l’an XI et prohibition pénale relative aux groupements et aux grèves.




L'ETAU DES CORPORATIONS


A la campagne comme à la ville, le travail n’est pas vraiment libre. Il est enserré dans des groupes, des corps intermédiaires. Cette vieille organisation se lézarde au XVIII ème siècle.

En 1789, la France est une société rurale. Elle compte 27 ou 28 millions d’habitants ; 22 millions sont « des ruraux » principalement des paysans.

Le principal clivage social est dans les campagnes : entre les rentiers du sol et les travailleurs de la terre. Nulle terre n’est sans seigneur. 50 % du sol appartient à 10 % des français.

Les ressources du paysan sont fragiles, dépendent du climat, des saisons. Il les complète par « l’industrie » : travail artisanal qu’il effectue à domicile. Surtout du secteur textile : les paysans et leurs femmes filent et tissent.

Autre caractéristique du travail rural : les énormes migrations saisonnières ; chaque année, des centaines de milliers d’hommes quittent les hautes terres du massif central, des alpes et des Pyrénées pour aller exercer dans « le bas pays » des « métiers de fatigue » : maçon, bûcherons, rémouleurs, chiffonniers, ramoneurs, colporteurs »…t


A la fin de l’Ancien Régime, la France est devenue le premier pays «  industriel » d’Europe. Les « fabriques » ont pris de l’importance, notamment dans deux domaines : le charbon et la métallurgie. La compagnie des mines d’Anzin occupe 4 000 ouvriers en 1789.

On trouve également de petites concentrations dans le textile, la papeterie, la verrerie.


Des groupements professionnels, composés de petites unités dispersées se multiplient. On les appelle guildes, jurandes ou corporations. Leur rôle consiste à la fois à préserver les producteurs de la concurrence et à assurer la fabrication « bonne et loyale » aux consommateurs. A l’intérieur du métier, il existe une hiérarchie stricte des fonctions :


  • Les maîtres : chefs d’entreprise

  • Les compagnons

  • Les apprentis



Au début on peut gravir les échelons puis progressivement, le système se fige.


Les ateliers perdent leur indépendance au profit des commerçants. Le marchand devient maître d’œuvre : il fournit la matière première aux ouvriers à domicile et leur achète leur production. Bien entendu, c’est lui qui en fixe le prix.










L’EDIT DE TURGOT : (1776)


« Toute entreprise importante de trafic ou d’industrie exige le concours de deux espèces d’hommes : des entrepreneurs qui font les avances de matière premières, des ustensiles nécessaires à chaque commerce, et de simples ouvriers qui travaillent pour le compte des premiers, moyennant un salaire convenu. Telle est la véritable origine de la distinction entre entrepreneurs ou maîtres et les ouvriers ou compagnons, laquelle est fondée, sur la nature des choses et ne dépend pas de l'institution arbitraire des jurandes »


L’Edit proclame l’interdiction des groupements obligatoires, assemblées ou associations libres entre maîtres ou entre ouvriers.

Mais le Parlement de Paris soutient les corporations. Comme les autres corps intermédiaires de l’Etat, elles défendent les traditions monarchiques. Les communautés de métiers « sont une portion de ce tout inséparable qui contribue à la police générale du royaume ».


Quatre mois après son adoption, l’édit de Turgot est aboli.


En 1789, les ouvriers véritables, ceux qui n’ont pour toute propriété que la force de leurs bras, sont peu nombreux : 1500000 à peine, y compris les femmes et les enfants. La masse des travailleurs est formée de paysans.

A l’époque, il n’existe pas dans les fabriques et manufactures, de limite à la durée de la journée de travail. La plupart des ouvriers gagnent moins de 20 sous par jour, soit à peine la somme nécessaire à l’alimentation quotidienne.

Ils sont considérés par les élites dirigeantes de l’Ancien Régime comme naturellement turbulents, fauteurs de troubles. Il faut les soumettre et les contrôler étroitement. Le système des corporations y participe.


L’ouvrier doit être enregistré aux greffes de police. Il est obligatoirement muni d’un « livret ouvrier».

Les ouvriers des villes s’organisent aussi sous forme d’associations : compagnonnages dépourvue de véritable programme. Plutôt des sociétés d’entraide.





II LE PACTE REVOLUTIONNAIRE (1789)




La révolution de 1789 proclame le droit du travail indépendant, celui des petits producteurs maîtres de leur outil de travail et de leurs mouvements.

Trois articles seulement du code civil de 1804 seront consacrés au contrat de louage de service.



L'IDEAL REVOLUTIONNAIRE



L’article 1er de l’acte constitutionnel du 24 juin 1793 proclame «   le but de la société est le bonheur commun. » mais comment l’atteindre ? Pour les révolutionnaires, le travail est le pivot de l’ordre et de la justice. Le citoyen pauvre doit rechercher du travail, sa pauvreté ne lui confère aucun titre à recevoir de secours publics, s’il n’en recherche pas.

Mais l’article 21 de la Déclaration des Droits de l’Homme proclame : « la société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d'exister à ceux qui sont hors d'état de travailler. » "


LA ROCHEFOUCAULT-LIANCOURT : « Là où il existe une classe d’hommes sans subsistance, là existe une violation des droits de l’homme, là l’équilibre social est rompu »

La législation sociale de la révolution est très mince. L’apport est ailleurs : Droits de l’homme, Pacte social, libération de toutes les formes d’entrave de l’ancien régime, c’est plus politique que social.






Le travail libre et indépendant est l’idéal social de l’époque : il faut à chacun la propriété de son outil de production, la terre, l’atelier, la boutique.

Tous propriétaires ! Tous Maîtres !



LA LOI LE CHAPELIER


Les révolutionnaires sont des libéraux en économie. Mais l’enjeu, pour eux, est d’abord politique.

En 1791, le Décret d’Allarde efface « tous les privilèges de professions sous quelque dénomination que ce soit .»


La liberté professionnelle est instaurée sous réserve de paiement d’une patente.

Les 14-17 juin 1791 : la loi LE CHAPELIER prolonge et complète cette orientation :

  • Proclamation de la liberté du travail

  • Interdiction des « corporations » et coalitions.



Une poussée revendicative s’exprime à compter de la révolution, compagnons tailleurs, ouvriers cordonniers, typographes, charpentiers, maréchaux-ferrants sont parmi les plus actifs, ils réclament de meilleurs salaires, la diminution de la journée de travail, la baisse du prix du pain.

La révolution proclame la liberté de réunion et d’association mais cela exclut le champ professionnel, car les coalitions d’intérêts professionnels portent atteinte à l’ordre public. Il faut les réprimer avec sévérité. L’interdiction vaut pour les coordinations patronales aussi bien qu’ouvrières. Il n’existe plus dans la société que l’intérêt particulier et l’intérêt général. Rien ne doit s’insérer entre les deux.


La loi LE CHAPELIER indique : « Il ne doit pas être permis aux citoyens de certaines professions de s’assembler pour leurs prétendus intérêts communs »."

Les coalitions ouvrières ont pour but de «  forcer les entrepreneurs de travaux, les ci-devant maîtres, à augmenter le prix de la journée de travail », alors que les salaires doivent être fixés, de gré à gré, par « convention libre » des deux parties.

Selon l’article 8 de la loi, les attroupements d’artisans et d’ouvriers sont réputés séditieux. Ils seront punis « selon toute la rigueur de la loi ».

C’est le triomphe de l’idéal de ROUSSEAU : le régime du contrat, de l’autonomie de la volonté, s’oppose à la force « mauvaise et illégitime ».



TOUS CITOYENS ! TOUS EGAUX !


Capitalisme et travail ne s’opposent pas dans la philosophie de l’époque, mais se complètent. C’est ce que l’on a appelé « l’optimisme révolutionnaire ».

Comme les autres rapports sociaux, les rapports de travail sont abandonnés à l’autonomie de la volonté, cela entraîne la disparition des sociétés de secours mutuel. La fourniture d’un travail contre rémunération est qualifiée par le code civil de « contrat de louage de service » sous le titre révélateur de « louage des domestiques et des services ».


Le législateur n’a pas à intervenir dans les rapports de travail : ils font partie de la sphère privée. Trois articles seulement portent sur la réglementation des rapports de travail :


  • Le patron est un homme libre

  • L’ouvrier est un homme libre


De la rencontre de ces libres volontés égales ne peut naître qu’un accord juste. ROUSSEAU : « Nul n’est injuste envers lui-même ». Sont toujours justes les conditions de travail acceptées.

Une seule restriction : « on ne peut engager ses services qu’à temps ou pour une entreprise déterminée », par crainte de retour au servage.







Les seules obligations réciproques : l’ouvrier exécute la tâche qui lui est confiée, le patron paie le prix convenu.


Le Décret du 8 janvier 1813  prévoit que les enfants ne pourront descendre dans les mines avant 13 ans. En fait, les manufactures accueillent des enfants de 4 ou 5 ans (dévideurs de trames dans l’industrie textile.

En cas de conflit, le code civil donne aux employeurs toutes les armes : article 1781 : « le maître est cru sur son affirmation pour la quotité des gages, pour le paiement de salaires de l’année échue et pour les acomptes de l’année courante ».


La loi du 16 mars 1806 institue les Conseils de Prud’hommes chargés de régler les petits conflits entre les patrons et leurs salariés. Les ouvriers ne sont représentés que par « les chefs d’atelier ». Les ouvriers ne seront électeurs et éligibles qu’à partir de 1848.


Le livret ouvrier aboli par la révolution est à nouveau rendu obligatoire par la loi du 12 avril 1803, pour tous les salariés.

C’est une brochure délivrée par le préfet de police ou le maire .Sont mentionnés l’état civil et signalement du titulaire, date d’embauche et du congé. Ce livret a un double aspect : il institue un contrôle patronal et policier, il doit être visé par la police en cas de changement de commune. Sinon il s’agit d’un délit de « vagabondage ». Sans feu ni lieu » devient « sans foi ni loi » c’est un glissement significatif.

Pas de travail sans présentation du livret ouvrier. L’objectif est la stabilisation de la classe ouvrière. Ce livret ne sera aboli qu’en 1890.





III LA REVOLUTION INDUSTRIELLE




Dés la fin du XVIII ème, une formidable succession d’innovations techniques bouleverse les principales branches de l’industrie, les forces productives sont libérées. Le progrès parait sans fin.

De 1780 à 1880, on passe dans certaines contrées d’Europe et d’Amérique, du travail manuel à la machine outil, de l’atelier à l’usine, du monde rural à l’urbanisation tentaculaire.

La concurrence entre fabricant impose la modernisation constante de l’équipement. Les chaînes de métiers à tisser ou les puissants hauts fourneaux exigent des capitaux toujours plus importants. Vite usés ou obsolètes il faut les amortir au plus tôt par une utilisation intensive. Quelques géants de l’industrie apparaissent, surtout dans la métallurgie.


En 1850 : les usines SCHNEIDER du CREUSOT, WENDEL en LORRAINE ont plusieurs milliers de salariés.




UNE CLASSE OUVRIERE EN FORMATION.



La France de 1848 compte près de 36 millions d’habitants, 5 à 6 millions composent la population industrielle.

Elle est disparate. Beaucoup de paysans-ouvriers (textile, horlogerie, coutellerie..) 1 million environ. Il y a aussi des salariés très qualifiés : relieurs, imprimeurs, ébénistes et menuisiers, selliers et tonneliers, mécaniciens et fondeurs, marbriers, charpentiers qui travaillent souvent dans des entreprises de moins de 10 salariés (3,2 millions).

Ce sont des gens de métiers. Ils disposent d’un « savoir-faire » important car la mécanisation des ateliers est encore faible.


On trouve une grande vitalité dans ces métiers, ils sont très séparés de la masse des prolétaires non qualifiés.









1°) LE PROLETARIAT DES FABRIQUES ET MANUFACTURES



1847 : 1 200 000 employés dans les établissements de plus de 10 salariés.

La population industrielle représente encore moins de 10 des 14 millions d’actifs du pays.

Les femmes et les enfants constituent 1/3 de l’effectif total. Ils sont placés tout en bas de l’échelle : salaire d’appoint, mais souvent indispensable pour survivre.

700 000 dans l’industrie textile

120 000 dans l’industrie métallurgique

25 000 dans les houillères



2°) LA CONDITION OUVRIERE


C’est l’ensemble des conditions de vie qu’on englobe sous ce titre

Elle est misérable, d’autant plus que les idées libérales condamnent toute idée d’un droit des pauvres à un secours légal.


Le correctif se situe sur un autre plan : devoir moral de charité, puis de bienfaisance : les pauvres n’ont pas de droits, mais les riches ont des devoirs moraux envers eux. On trouve d’abord la notion de charité puis celle de bienfaisance, s’ils ne sont pas remplis la sanction est dans l’autre monde, pas dans celui-ci.

L’essor de l’industrialisation, l’âpreté pour dégager l’accumulation du capital nécessaire aux énormes investissements indispensables, entraînent une effroyable paupérisation.

Désormais, ce sont des catégories entières de la population qui sont plongées dans la misère, non plus seulement des individus isolés. Une population au travail, et pas seulement de mendiants. Son malheur ne provient pas de l’absence de travail mais du travail lui-même.

Le paupérisme devient la manière d’être et de vivre des ouvriers des manufactures.


« Qu’est ce qu’une manufacture ? C’est une invention qui produit du coton et des pauvres…»était une plaisanterie de l'époque.


L’urbanisation s’accélère, la démographie augmente ; les ouvriers venus des campagnes s’entassent dans des taudis sans eau, sans air et sans lumière. L’alimentation est à base de pain et de pommes de terre.



3°) LES CONDITIONS DE TRAVAIL


Les usines ont poussé hâtivement, au moindre coût, elles sont purement utilitaires : les fenêtres sont rares et étroites, l’éclairage médiocre, la ventilation inexistante. On y gèle l’hiver, on y étouffe l’été. On respire un air nocif pollué, où flottent les particules de coton.

Dans la mine le gaz est un ennemi constant. Le « pénitent » les habits mouillés et à plat ventre, brûle le grisou avec sa torche au fur et à mesure qu’il se dégage.

Les locaux de production sont mal conçus, travailleurs et machines s’y entassent pèle mêle, sans couloirs de circulation, les arbres de transmission, les courroies, les poulies, les presses, les rouleaux ne sont pas capotés. Ils sont toujours dangereux et souvent mortels.


Jusqu’en 1848, la durée journalière du travail oscille entre 12 et 15 heures dans toutes les branches professionnelles. Il n’y a pas de jours fériés ni de congés. La loi de 1814 sur le repos dominical n’est pas toujours respectée. Le salaire aux pièces tend à se substituer au salaire horaire, par conséquent la rémunération perçue dépend uniquement de la rapidité d’exécution.



4°) LE TRAVAIL DES FEMMES ET DES ENFANTS :


En 1847, dans les établissements industriels de plus de 10 ouvriers, on dénombre 28 000 femmes et 140 000 enfants pour 77 000 hommes. Les familles ouvrières ont besoin de la maigre rémunération de leur travail pour survivre.





Les femmes sont largement majoritaires dans le textile, elles font la même besogne que les hommes pour un salaire moindre.

Les enfants sont poussés à l’usine par les familles. A 6, 7 ans ils sont employés à des tâches secondaires : ils sont particulièrement appréciés dans les filatures pour leur agilité : ils se glissent sous les métiers en fonctionnement pour aller renouer les fils cassés, nettoyer les parties peu accessibles des machines.

A partir de 8 ans, ils participent effectivement à la production comme « accessoires de mécanique » ou « moteurs auxiliaires ». Ils tirent en rampant les wagonnets de charbon dans les boyaux les plus étroits des mines.

Dans les ateliers de textile de Normandie, près des outils, sur l’établi, se tient le nerf de bœuf destiné à frapper les enfants qui s’amusent ou qui s’endorment.


La mobilisation de cette main d’œuvre abondante et docile permet, en plus, de briser les revendications salariales des travailleurs masculins.


Extrait du livre de Norbert TRUQUIN Mémoires et aventures d’un prolétaire à travers la révolution.


«   Je laissai de nouveau le métier de puisatier pour reprendre celui de tisseur; j’eus de la difficulté à m’embaucher, parce que mes vêtements, ma physionomie, me donnaient l’apparence d’un terrassier. Enfin je fini par trouver de l’ouvrage, mais pour un article que j’ignorais complètement et où je réussis néanmoins dés le premier moment.

Cet atelier tenait la nouveauté, ce qui m’obligeait constamment à passer d’un article à l’autre, si bien qu’au bout d’un an je devins un ouvrier passable. L’atelier était situé rue Sainte Catherine à La Croix Rousse, à un troisième étage.

C’était un atelier de six mètres occupé par des jeunes filles qui tissaient le satin. Ces jeunes ouvrières travaillaient, en été, depuis trois heures et demie du matin jusqu’à la nuit ; et en hiver, depuis cinq heures du matin jusqu’à onze heures du soir.

Je demandais à mon patron, avec lequel je m’étais lié, pourquoi ces filles avaient le teint si jaune et la figure si fatiguée. Il m’avoua que presque toutes celles qui sortaient de cette maison prenaient le chemin du cimetière. Sur mon insistance il me fournit volontiers des explications. «  Il y a peut être me dit-il sept mille ateliers de ce genre à LYON, presque tous les patrons sont bigots, ils vont recruter leurs apprentis dans le DAUPHINE, le BUGEY, et la SAVOIE. Ils sont porteurs de certificat délivré par le curé de la paroisse. Munis de ces pièces, ils se présentent chez les curés de campagne. Le curé leur indique les maisons où ils pourront faire leur choix ; ils s’y introduisent à sa recommandation et y sont naturellement bien accueillis, ils se présentent avec ces montres et tout un attirail de breloques, n’oubliant pas de bourrer leurs proches de gros sous. Tout en causant, ils ont soin de laisser comme par mégarde tomber par terre un peu de la mitraille dont ils ont fait provision. Les enfants s’empressent de la ramasser pour la rendre au Monsieur qui, dans sa générosité, l’abandonne aux ramasseurs. Ils racontent que leurs ouvrières ont placés des centaines de francs a la caisse d’épargne, et que si quelques unes d’entres elles ne se donnaient pas au luxe, elles en placeraient bien davantage. Le bruit s’en répand dans la commune et bientôt un essaim de jeunes filles s’enrôlent pour LYON. Elles s’y placent en apprentissage pour quatre ans, tandis que pour fabriquer du satin ou du taffetas, quatre mois suffiraient.

Ce sont presque toujours des filles de quinze ans que l’on embauche, les premiers six mois, on ne leur fait faire que le ménage et les cannettes ; le dimanche matin, on les mène à la messe de 6 heures, puis on les fait rentrer à l’atelier pour le restant de la journée, parce qu’elles pourraient faire des connaissances et se marier, ce qui ne ferait pas le compte du patron. Ce dernier emploie tous les moyens pour les garder longtemps et en extraire le plus de profit possible. En travaillant 17 heures par jour dans des ateliers souvent malsains, où ne pénètrent jamais les rayons bienfaisants du soleil, la moitié de ces jeunes filles deviennent poitrinaires avant la fin de leur apprentissage. Lorsqu’elles se plaignent, on les accuse de faire des grimaces. On les excite au travail en flattant toujours la plus habile. Enfin, lorsqu’elles ne peuvent plus travailler, on leur fait entendre qu’elles ont peut être commis des imprudences. On envoie celles qui ont leurs parents à la campagne se rétablir dans leur famille, mais il est souvent trop tard ; la rapacité du patron les a retenues trop longtemps sans soins. Quand à celles qui n’ont pas de parents ou qui sont trop pauvres, on les expédie à l’hôpital ; elles en sortent rarement vivantes ou, si elles en réchappent, c’est pour rester malades toute leur vie. Leur chambre à coucher est une soupente généralement sale et infectée de vermine, la poussière des métiers monte continuellement. Pour donner du brillant à la soie, la chimie emploie toute sorte d’ingrédients : du mercure, de l’arsenic et jusqu’au sublimé corrosif. Ces jeunes filles respirent nuit et jour ces émanations malsaines, et c’est là ce qui leur fait perdre leurs couleurs et les mène à la phtisie.








Pour prix de tous ces crimes on parvient quelquefois à amasser dix ou douze mille francs. Sur sept ou huit mille patrons, c’est tout au plus s’il y en a cinq cents qui arrivent à ce résultat, et celui qui s’est procuré cette petite aisance, après avoir fait tant de victimes, n’arrive guère à un âge avancé, car lui aussi a beaucoup travaillé et respiré les poussières mortelles. »



Pour tout le monde, le salaire est dérisoire. Le salaire ouvrier moyen en 1848 est égal à 2 francs par jour pour les hommes, 1 franc pour les femmes, et 50 centimes pour les enfants.


900 francs annuels sont nécessaires pour l’entretien d’une famille de 4 enfants, le kilogramme de pain coûte 20 à 40 centimes, l’alimentation représente les ¾ des dépenses.

Les logements sont des taudis insalubres et loués très chers (cf. caricatures de DAUMIER sur « les propriétaires » en 1847). Les journées sont interminables souvent 13 h de travail. On est debout 16 ou 17 heures par jour avec une longue marche à pied pour rejoindre l’usine.



extrait du livre « L’OUVRIERE DE JULES SIMON


«Dans un ménage d’ouvrier dit-il, le père et la mère sont absents, chacun de leur côté, 14 heures par jour. Donc il n’y a plus de famille. La mère qui ne peut plus allaiter son enfant l’abandonne à une voisine mal payée, souvent même à un gardien qui le nourri de quelque soupe. De là une mortalité effrayante, des habitudes morbides parmi des enfants qui survivent, une dégénérescence croissante de la race, l’absence complète d’éducation morale. Les enfants de 3 ou 4 ans errent au hasard d ans les rues fétides, poursuivis par la faim et le froid.. Quand, à 7 heures du soir, le père, la mère et les enfants se retrouvent dans l’unique chambre qui leur sert d’asile, le père et la mère fatigués par le travail, les enfants par le vagabondage, qu’y a-t- il de prêt pour les recevoir ? La chambre a été vide toute la journée, personne n’a vaqué aux soins les plus élémentaires de propreté ; le foyer est mort, la mère épuisée n’a pas la force de préparer les aliments : tous les vêtements tombent en lambeaux, voilà la famille telle que les manufactures nous l’on faite. »



5°) LA PAUPERISATION


Epidémie et maladies infectieuses frappent dur. Typhoïde, méningite, tuberculose, syphilis déciment chaque année les quartiers populaires. Leurs effets se conjuguent avec les maladies du travail : troubles pulmonaires des mineurs et des ouvrières du textile, allergies et asthmes, scolioses et rachitisme des enfants.

La mortalité est très élevée et l’espérance de vie réduite


En 1812, à Mulhouse, la moyenne d’âge de la vie humaine est de : 24 ans 9 mois 12 jours.

En 1821 la moyenne est descendue à 21 ans et 9 mois.

La mortalité infantile est énorme.


Selon le rapporteur de la loi du 22 mars 1841, : DUPIN

«  sur 10 000 travailleurs passant en 1840 devant le conseil de révision des 10 départements les plus manufacturiers de France, 8990 sont réformés pour rachitisme, invalidité, difformité »

Dans les quartiers ouvriers de LILLE : 70 % des habitants disparaissent avant l’âge de 40 ans.

Jusqu’à la fin du 19 ème siècle, le chômage touche en moyenne 15 % de la population active. Pendant la crise de 1844-1845 dans le textile, 60 % des ouvriers de LILLE, 78,5 % de ceux de ROUEN sont licenciés. PARIS compte en 1843 prés de 90 000 pauvres secourus. Ils sont 48 000 dans les 9 principales villes du Nord qui comptent 200 000 habitants.


C’est donc la question de la survie de la « race ouvrière » qui est en jeu, et aussi l’intérêt national : la patrie a besoin de soldats en bonne condition physique pour la défendre …









III LES REMISES EN QUESTION  (1830-1848)



A partir de 1830 :


Plusieurs courants se préoccupent de cette situation :


  • Les chrétiens sociaux et surtout le patronat mulhousien

  • Les hygiénistes (Villermé)

  • Les républicains et socialistes



1°) LE PATRONAT MULHOUSIEN


Formée de protestants, dés 1827 la société des patrons mulhousiens s’oriente vers une voie plus sociale. Schlumberger, Dollfuss se préoccupent d’administrer leur entreprise en assumant la responsabilité d’une prise en charge totale de la vie de leurs ouvriers avec des réalisations sociales parfois étonnamment avancées : cités ouvrières, crèches, caisse de secours, système d’allocations familiales et de retraites, formation professionnelle.

Les principes dont ils s’inspirent donnent lieu à des prises de positions surprenantes à leur époque :


« le patron doit à ses ouvriers autre chose que le seul salaire »

« une des plus fausses idées économiques de notre temps est de tout réduire à une question de sous et de deniers ».


Mais ils s’inquiètent de ne pas être suivis et de se retrouver disqualifiés par la concurrence ; ce qui les conduit à réclamer une loi applicable à tous, plaçant tous les entrepreneurs sur un même pied d’égalité en matière d’obligations sociales, qui ont forcément un coût sur le prix de revient des produits.

Ils reconnaissent ainsi que l’industrie devient une affaire d’Etat, d’intérêt public, mais dans le sens de sa libération des entraves et des obstacles qui empêchent son développement.




2°) LES HYGIENISTES


Dans le même temps, la connaissance de la réalité de la situation ouvrière se répand avec la pratique d’enquêtes effectuées par des « hygiénistes » dont le plus célèbre représentant est VILLERME.

Il publie en 1840 son fameux rapport intitulé «  Tableau physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie » présenté devant l’Académie des sciences morales et politiques.

Il s’agit d’une enquête scientifique, minutieuse qui expose une situation effroyable et révoltante.

Il conclut son rapport en accusant « ces maîtres sans entrailles qui ne voient dans leurs ouvriers que de pures machines à produire ».

Ce rapport à un écho assez considérable, et conduit à une certaine prise de conscience qui tend à rendre les maîtres responsables de la situation des ouvriers et, partiellement, de leur sécurité.




3°) LES IDEES SOCIALISTES - LA NAISSANCE DU MOUVEMENT OUVRIER


Au début du 19 ème siècle, le compagnonnage survit seulement dans le bâtiment (il existe toujours aujourd’hui).

Les compagnonnages ont fourni au mouvement ouvrier des militants et des méthodes de luttes : boycottages, grèves, caisses de solidarité. Mais il existe en son sein d’intenses divisions et rivalités liées au monde artisanal. Il ne s’adapte pas à la société industrielle, il fait une évolution vers des sociétés de secours mutuel dont certaines deviennent aussi des sociétés de résistance. Toutes sont, en principe, interdites par la loi LE CHAPELIER. Mais les sociétés de résistance se comportent déjà en véritables syndicats.








Les motifs de conflits entre patrons et ouvriers ne manquent pas :

  • Introduction des machines

  • Conditions de travail

  • Salaires et système de rémunération


Le nombre de grèves, d'abord défensives puis offensives s’intensifie, sur les salaires mais aussi pour réduire la durée du travail.


A LYON, en 1828, les 9000 compagnons canuts de la Croix Rousse, constituent une société secrète « le devoir mutuel." Ils négocient et concluent un accord de salaire avec le patronat qui ne l’applique pas. Cela provoque en 1831 un soulèvement armé de 30 000 hommes. Sur leur drapeau noir est inscrit la célèbre formule

«  Vivre en travaillant ou mourir en combattant » L’ordre est durement rétabli par la troupe dirigée par le maréchal SOULT.


L’agitation demeure : La loi du 10 avril 1834 interdit et poursuit toute association, y compris de moins de 20 adhérents.


L’agitation augmente de 1840 à 1848 et se politise grâce aux courants d’idées de SAINT SIMON ( technocrates) et de Charles FOURIER ( utopistes), mais surtout les idées républicaines et socialistes progressent, le peuple appelle de ses vœux « la république sociale » en abrégé « la sociale ».


On passe d’une «problématique de l’égalité des libertés à une problématique de déséquilibre des responsabilités »


Tous ces courants convergent pour aboutir à l’adoption de ce qui est considéré comme la première « loi du travail » en France.




IV LES IDEES SOCIALISTES - LES PREMIERES LOIS SOCIALES (1841-1900)



La loi du 22 mars 1841, réglementant le travail des enfants dans les manufactures de plus de 20 salariés ; c’est un tournant, en effet pour la première fois depuis la révolution française de 1789, le fait des inégalités se trouve pris en compte par le droit.

LOUIS BLANC  «: Ce n’est pas seulement le droit, mais aussi le pouvoir d’être libre qu’il faut obtenir »


LACORDAIRE : « Entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».




1°) LA PROTECTION DES FEMMES ET DES ENFANTS


Adoptés après un long et acharné débat, les objectifs de la loi sont pourtant modestes :


  • Interdiction d’emploi, dans les usines et manufactures de plus de 20 salariés, des enfants de moins de 8 ans, cela concerne environ 70 000 des 250 000 enfants ouvriers.

  • Limitation à 8 heures de travail journalier pour les enfants de 8 à 12 ans.

  • Limitation à 12 heures de travail journalier pour les adolescents de 12 à 16 ans.


La loi est peu, voire pas appliquée, les règlements d’application ne seront jamais adoptés, mais la nouveauté réside dans le fait même de légiférer. Elle ose toucher a deux principes fondamentaux : la liberté d’entreprise et l’autorité du chef de famille.

Lors du débat parlementaire, le député Gérard DE BEAUMONT déclare :


« C’est la première fois que nous faisons dans une loi qui n’est pas exempte de péril, c’est le premier acte de réglementation de l’industrie. De l’industrie qui, pour se mouvoir, a besoin de sa liberté ».





Le débat porte surtout sur le statut juridique des mesures à prendre : loi ou règlement ?


La loi, c’est l’édiction de nouveaux principes s’opposant à ceux du libéralisme. Ce qui est inacceptable.  Alors on contourne le problème : ce sera une loi mais qui est destinée à combattre les «excès», les «abus» menaçant l’existence même des principes du libéralisme.


C’est un compromis consacrant l’irruption de l’Etat dans l’entreprise pour veiller à l’intérêt général. L’Etat doit se préoccuper de l’avenir commun.


Il est le gardien du compromis entre 3 légitimités :


  • l’industriel qui a le droit d’utiliser le travail des enfants.

  • la famille qui a le droit au salaire des enfants.

  • l’enfant qui a le droit au développement physique et moral.


La prévoyance devient une fonction d’Etat qui se considère comme garant des intérêts généraux de l’avenir.

Mais la loi votée, que vaut-elle si elle n’est pas appliquée ?


L’inspection de son application est confiée à des inspecteurs bénévoles, appartenant aux milieux industriels, recrutés par les Préfets, cela reste sans effet.


La situation empire, l’économie a déséquilibré la société, la volonté de rendre sa primauté au politique s'exprime de plus en plus fortement .Un débat s'ouvre sur les méthodes et les fins du système industriel.


1848 : Il y a des émeutes, le gouvernement provisoire proclame la république, reconnaît le droit au travail, s’engage à garantir du travail à tous les citoyens et crée des bureaux de placement dans les mairies.

Il y a plus de 100 000 chômeurs à Paris. Le droit d’association est reconnu.


Le décret du 2 mars 1848 limite la durée de la journée de travail : 10 h à Paris, 11 h en province. Modifié dés le 9 septembre : 12 heures de travail effectif pour tous.


Le problème du suffrage universel est posé : sur 35 500 000 habitants, seulement 250 000 ont le droit de vote, 56 000 hommes sont éligibles.


3 jours d’affrontements ont lieu en juin, causant des milliers de morts ; cela se termine par le succès de la France rurale conservatrice, le 10 décembre 1848 : Louis Napoléon Bonaparte, neveu de l’empereur est élu président de la République.


Le 2 décembre 1851 un coup d’état rétablit l’empire, le second, le peuple veut que le neveu continue ce qu’a fait son oncle, c’est à dire la révolution égalitaire et libérale. Stimuler les affaires pour accroître le bien être c’est l’orientation choisie.


Le 25 mai 1864 : Le droit de coalition est reconnu : la grève devient légale, mais les amendes et la prison sont maintenues pour les meneurs qui, par voie de fait ou manœuvres frauduleuses conduisent à une cessation concertée du travail. Les droits d’association et de réunion ne sont pas reconnus, ils sont tolérés.


1870 : C’est la guerre avec la Prusse, la défaite de SEDAN et le 4 septembre 1870 la fin de l’empire. C’est la: Commune de Paris.

Elle aura peu de temps pour légiférer en matière sociale :

  • Interdiction du travail de nuit pour les boulangers,

  • Suppression des amendes et retenues sur salaire.


4 septembre 1870, c’est la fin du second empire et l’avènement de la III ème République. On voit l’ascension des classes moyennes, la mise en place de programme d’épargne et de progrès social









Loi du10 mai 1874 :


  • Interdit de faire travailler les enfants de moins de 12 ans

  • Etend les mesures de protection de la loi de 1841 aux filles mineures,

  • Interdit aux femmes et aux enfants le travail dans les mines.

  • Crée un corps spécial de fonctionnaires : les inspecteurs du travail (constitué de 21 inspecteurs départementaux du travail, fonctionnaires nommés à l’échelon local, payés par le Conseil Général, dépendant du préfet, et 15 inspecteurs divisionnaires, payés et nommés par le Ministre du commerce).


C’est un échec du patronat qui ne voulait pas entendre parler d’une inspection de l’Etat dans les fabriques.

Un corps d’inspection, ils s’y résignaient mais placé sous l’autorité de patrons.

Il y a peu de contrôle, la loi est peu appliquée, les inspecteurs du travail sont chargés de vérifier le niveau d’instruction des enfants de moins de 12 ans.



2°) LA LIBERTE SYNDICALE EST RECONNUE (1884)



1884 : Abolition de la loi Le Chapelier : La liberté syndicale est reconnue

Le congrès syndical américain de Chicago a fait du 1er mai une journée de lutte et adopte la revendication des

3 x 8 :


  • 8 heures de travail

  • 8 heures de repos

  • 8 heures de loisirs et de vie personnelle


1890 : Abolition du livret ouvrier.

Création des délégués à la sécurité des ouvriers mineurs



3°) CREATION D’UN OFFICE DU TRAVAIL (1891) 


2 novembre 1892 :


  • Diverses mesures sur l’hygiène et la sécurité du travail sont étendues aux femmes :

protection des poulies, courroies et engrenage, clôture des puits, trappes et ouvertures de descentes , s’appliquent aux établissements occupant des femmes et des enfants.

  • Interdiction d’employer des enfants de moins de 13 ans (12 ans si certificat d'études)

  • Réorganisation de l’inspection du travail, cette même année afin de veiller efficacement au respect de cette réglementation : 11 inspecteurs et inspectrices divisionnaires et 92 inspecteurs départementaux, indépendants du Préfet, sont recrutés par concours. C'est la véritable naissance de l'Inspection du travail.

  • Examen médical obligatoire pour les jeunes de moins de 16 ans

  • Pas plus de 11 heures par jour et 60 heures par semaine pour les 16/18 ans, et pour les jeunes filles et les femmes.

  • Interdiction du travail de nuit et du dimanche pour les jeunes de moins de 18 ans et les femmes.

  • Interdiction de travailler dans les mines, les carrières et les travaux souterrains pour les moins de 18 ans et les femmes.

  • Affichage dans les ateliers de la loi et du nom de l’inspecteur du travail ainsi que des heures de travail et des jours de repos.

  • Renvoi aux règlements d'administration publique pour les mesures d’application sur l’hygiène et la sécurité, la moralité publique.

  • Déclaration obligatoire des accidents.










Mais c’est toujours la même logique de prévention ; soustraire les catégories les plus faibles, les plus vulnérables, les plus exposées au risque, en les retirant d’une situation de travail dans laquelle on maintient les autres ( hommes adultes). Dans les faits, femmes et enfants sont présents dans beaucoup d’ateliers et de manufactures et de ce fait la loi a un impact réel.


Les premières mesures de protection prises en leur faveur, vont bénéficier à tous.

On assistera alors à un glissement vers une prévention générale.



4°) PREMIERE LOI GENERALE DU TRAVAIL


Moins de six mois plus tard intervient La loi du 12 juin 1993 :


Sous la pression des organisations syndicales ouvrières qui dénonçaient les conséquences dramatiques du laissez faire, et de l’extension de l’industrialisation, les pouvoirs publics se décident enfin à intervenir plus énergiquement.

La loi étend le champ de la protection à l’ensemble des établissements industriels et à toutes les catégories de travailleurs. Elle oblige les employeurs à respecter certaines prescriptions pour l’aménagement des locaux et l’installation des machines, la priorité étant donnée aux mesures de prévention collectives sur les mesures individuelles.


Les principales dispositions du Livre II, Titre III «  HYGIENE ET SECURITE DES TRAVAILLEURS » sont donc issues de la loi du 12 juin 1893, codifiée en 1912 :, c’est l’ancêtre du Code du Travail.

C’est un tournant décisif dans l’histoire de l’hygiène et de la sécurité.


Les dispositions antérieures prescrivaient essentiellement des mesures personnelles ayant pour but de soustraire à certains risques les catégories de salariés plus exposés que d’autres : les enfants puis les jeunes filles, puis les femmes qui se sont vus écartés des travaux les plus dangereux et pénibles.


La loi de 1893 et les règlements qui en sont issus, intéressent l’ensemble des travailleurs en rendant obligatoires des mesures de protections. La réglementation ne concerne plus les gens mais les choses (machines, mécanismes, locaux …) dans le but de réduire, sinon de supprimer les dangers eux-mêmes.

Cependant on reste toujours sur la même logique : l’éloignement des travailleurs du risque : barrières physiques, clôtures.

Est mis en place une obligation généralisée de mise en demeure des inspecteurs du travail, avant le procès-verbal .

Si l’employeur est récalcitrant, un procès-verbal est dressé et transmis au tribunal correctionnel. Si une nouvelle mise en demeure est restée sans résultat, le tribunal peut ordonner la fermeture de l’usine.


Création d’un délit d’entrave et d’outrages envers les inspecteurs du travail.

Elaboration d’un annuel des inspecteurs du travail sur la situation des accidents du travail et les mesures de prévention.




5°) RECONNAISSANCE DES ACCIDENTS DU TRAVAIL


9 avril 1898 : La loi consacre l’échec de la préoccupation constante du patronat de sortir la prévention de la sphère publique pour la réintégrer dans la sphère privée (création en 1893 de l’association des industriels pour la prévention des accidents du travail).


La Loi sur la prévention des accidents du travail est adoptée : le débat aura duré 18 ans.

Jusque là, la théorie du contrat de travail avait pour conséquence que la signature du contrat emporte acceptation par l’ouvrier du danger que peut comporter le travail, compensé par « le salaire spécial de leur genre d’occupation ».

La Responsabilité civile de droit commun est suspendue par le contrat de louage de service, elle ne s’applique pas aux rapports maîtres/ouvriers.






En un mot on travaille à ses risques et périls, dans le contrat, le patron n’a pas promis à l’ouvrier la sécurité, mais seulement le salaire. Le patron offre le travail et le salaire, l’ouvrier accepte l’insécurité, le danger et la possibilité d’un accident.


28 Mai 1880 : Martin NADAUD dépose à l’assemblée Nationale un projet de loi sur « la responsabilité des accidents dont les ouvriers sont les victimes dans leur travail » :


«  Il est du devoir des chefs d’établissements industriels de pourvoir complètement à la sûreté » des ouvriers qu’ils emploient.

Cette responsabilité est le pendant de l’omnipotence du pouvoir patronal : « l’imprudence de l’ouvrier est une faute du patron ».

La Cour de Cassation adhère bientôt à cette doctrine : la loi prime sur le contrat. Le patron ne peut se contenter de verser le salaire. Il doit satisfaire à une obligation de sécurité qui est d’ordre public. L’accident n’est plus une simple fatalité. Il faut en rechercher la cause et on peut la trouver dans le comportement patronal : une faute est possible. La loi aboutira à l’inverse de cette théorie : adoption d’une logique d’assurance et .socialisation du risque accident.

L’accident industriel va devenir l’accident du risque travail, isolé et distingué des autres risques de l’humanité. Il n'est pas nécessaire pour la victime de s’engager dans une procédure visant à démontrer la faute de l’employeur : celui-ci cotise à un système d’assurance et en cas d’accident du travail l’ouvrier est automatiquement indemnisé.



6°) LA TROISIEME REPUBLIQUE ET L'INTERVENTION DE L'ETAT



Il faudra 10 ans de débats parlementaires pour mettre au point la loi de 1910 sur les retraites ouvrières et paysannes. La France est sur ce point le feu rouge de l’Europe ; même la Prusse conservatrice est beaucoup plus avancée en droit social.


15 Mai 1890 : conférence internationale à BERLIN, sous l’égide de Bismarck  sur le thème: « la protection du travail, l’amélioration du sort des ouvriers »


Les délégués français sont impressionnés par l’avancée de la situation allemande.


En 1891 se crée un Office du travail auprès du Ministère du commerce et de l’industrie, on peut y voir l’ancêtre du Ministère du travail. Un jeune ingénieur Arthur FONTAINE, est nommé sous-directeur ; sous son impulsion l’Office deviendra le moteur de la réglementation du travail à venir.


Loi du 30 mars 1900 : La journée de travail est progressivement ramenée de 12 à 10 heures en 2 ans.

1904 : 10 h pour les femmes,

1905 : 8 heures dans les mines

1906 : Création du Ministère du Travail

Après 9 ans de lutte syndicale, adoption du repos hebdomadaire obligatoire le dimanche.


1912 : codification de la réglementation du travail. Le code du travail est né.





V-RETOUR EN ARRIERE : NAISSANCE DU MOUVEMENT SYNDICAL :



Des années 1880 à la guerre de 1914, les grèves se multiplient, les mouvements spontanés de révolte durent jusqu’en 1892. On compte 100 000 grévistes en 1881, 500 000 en 1906.

En 1907 : se produit un soulèvement des viticulteurs du LANGUEDOC, durement réprimé par CLEMENCEAU : le « MIDI ROUGE ».







Premières grèves de la fonction publique : Agents de police de LYON en 1905, des PTT de PARIS en 1906. Il s’agit de mouvements de nature très diverse. La violence des travailleurs est très rare cependant le gouvernement républicain réprime très durement mais s’inquiète de l’agitation grandissante. Ne serait-il pas mieux de prévenir ces mouvements ? de trouver une voix de pacification sociale ?


Une loi du 27 décembre 1892 incitait à la conciliation et à l’arbitrage du juge de paix, en cas de conflit social, cette démarche était facultative et donc très peu appliquée.

La préoccupation majeure et première des travailleurs est celle du pain quotidien, c’est à dire des salaires.

Rejet de la médiation politique. L’action syndicale veut être autonome des partis. Dés 1906, les délégués des syndicats français du congrès de LONDRES rejettent l’action parlementaire.

En octobre 1906 : la CGT adopte la chartre d’AMIENS, qui confirme cette orientation. Une liberté entière est laissée au syndiqué de participer à la forme de lutte correspondant à sa conception philosophique ou politique.

Mais il ne doit pas introduire dans le syndicat les opinions qu’il professe au dehors. Les organisations syndicales doivent conduire directement le combat contre le patronat « sans se préoccuper des partis et des sectes qui en dehors et a côté, peuvent poursuivre en toute liberté la transformation sociale ».

De nombreux composants du socialisme français ont fait leur unité en 1905 et donné naissance à la section française de l’internationale ouvrière ( S.F.I.O.)

60 000 personnes sont syndiquées en France en 1880.


La loi du 21 mars 1884 : une loi de liberté des syndicats.

Ils peuvent se constituer librement. Pas d’autorisation préalable. Seule obligation : dépôt des statuts avec le nom des administrateurs. Les syndicats peuvent ester en justice, acquérir des biens, susciter la création de coopératives de production, de crédits mutuels, liberté des intéressés  qui: peuvent se regrouper librement, pas d’obligation d’adhésion.



1°) LE ROLE DES BOURSES DU TRAVAIL


Les Bourses du travail prennent leur essor, la première est fondée à PARIS en 1887.

Elles sont 143 en 1914, avec pour triple fonction:


  • Mutualité : placement des chômeurs, secours aux accidentés du travail et aux migrants.

  • Education et culture : bibliothèques, enseignement professionnel

  • Résistance et solidarité.


Fernand PELLOUTIER  devient: Secrétaire de la fédération des bourses du travail.


La CGT se crée en 1895 : congrès de LIMOGES, en 1912, 600 000 syndiqués, c’est très peu par rapport aux millions d’inscrits des organisations allemandes ou britanniques.

Les secteurs professionnels sont inégalement syndiqués.

En 1902, la proportion est de 60 % dans les mines, 20 % dans la métallurgie et les transports et 5% dans le textile.



2°) LA GREVE GENERALE : LE MYTHE DU GRAND SOIR



Avec mythe de «la sociale », une large partie du mouvement ouvrier veut se persuader que le moment venu, la grève générale débouchera sur le grand soir de la révolution. L’aspiration à une société radicalement autogestionnaire s’exprime faite de la libre association de producteurs : C’est la tradition anarcho-syndicaliste directement issue de la révolution de 1789.


Le parti ouvrier (marxiste) de gauche s’oppose à cette orientation et qualifie la grève générale d’utopique. Le congrès de LIMOGES et la charte d’AMIENS confirment pourtant l’orientation de la grève générale révolutionnaire comme seul moyen de préparer l’émancipation intégrale du prolétariat. Le grand soir verra en un seul instant la destruction de la société bourgeoise.





VI L’AUDACE LEGISLATIVE DE LA « BELLE EPOQUE » :



En 1914, il existe déjà un ensemble impressionnant de textes de droit du travail, là où quelques décennies plus tôt, il n’y avait rien.



1°) DUREE DU TRAVAIL :


23 avril 1919 : Durée maximale du travail de 8 heures par jour mais 6 jours par semaine donc 48 heures hebdomadaires. Elle est accordée par CLEMENCEAU qui craint la mobilisation du 1er mai. Il doit par ailleurs faire face au retour des démobilisés sur le marché du travail. De nombreuses luttes furent nécessaires pour l’imposer, là encore, la France n’est pas à l’avant-garde : en 1899, 30 ans plus tôt, les ouvriers du gaz anglais ont déjà obtenu la journée de 8 heures.

La loi de 8 heures tempérée par de nombreuses dérogations constituera le régime normal de la durée du travail en France, jusqu’en 1936. Elle consacre le fait que désormais le travailleur aussi est un citoyen qui a le droit d’exister en dehors de l’entreprise.

La revendication des congés payés, avancée dés avant la guerre de 1914 est encore bien timide et paraît utopique à beaucoup.



2°) DEVELOPPEMENT DE LA REGLEMENTATION EN HYGIENE/SECURITE : les décrets de 1913


Pendant le premier quart du 20ème siècle on assiste au développement d’une réglementation cohérente en hygiène et sécurité.

Le progrès technique, l’évolution des procédés de fabrication, le développement rapide du machinisme entraînent l’élaboration d’une réglementation de plus en plus nombreuse et précise.


Le décret du 10 juillet 1913 portant mesures générales d’hygiène et de sécurité réglemente les points suivants :


L’isolation des zones dangereuses,

les dispositifs de protection obligatoire des machines,(mais il est souvent difficile de rajouter de la protection après coup : on commence à se préoccuper d’incorporer un souci de protection des salariés dés le stade de la conception et de la fabrication des machines).

Utilisation des voies ferrées

Utilisation des appareils de levage, du courant électrique, des explosifs.

obligation d’entretien des machines, d’information sur leur fonctionnement (nombre de tours/minute..)



3°) EBAUCHE D'UN SYSTEME DE PREVENTION SOCIALE


1890 : loi introduisant un préavis de licenciement et des dommages et intérêts en cas de licenciement abusif.

Il existe un chômage important et une grande instabilité de la classe ouvrière : création des bureaux de placement dans les mairies.


30 novembre 1894 : loi sur l’amélioration des logements ouvriers H.B.M. ancêtre des H.L.M.


1905 : refonte de l’assistance publique.


Loi de 1910 : sur les retraites des ouvriers et des paysans.


On assiste à une augmentation des cadences de travail. « Les méthodes de l’organisation scientifique du travail » préconisées par l’ingénieur américain TAYLOR, s’introduisent en France. ( BERLIET à LYON, PENHOET à SAINT NAZAIRE…)








Ces méthodes sont vivement dénoncées par les ouvriers . Chez RENAULT un essai de chronométrage du travail déclenche en 1913 une grève très dure qui se terminera par des centaines de licenciements.



4°) UNE ADMINISTRATION DU TRAVAIL SE MET EN PLACE



Les lois sociales et industrielles, leur élaboration et le contrôle de leur application nécessitent un effort particulier de l’Etat.

La IIIème République s’y attelle.



A Naissance de l’Inspection du Travail


L’élaboration, la gestion, le contrôle réclament des moyens en hommes et en crédits de plus en plus significatifs.

Le contrôle de l’application ne peut être donné à la justice ou à la police : trop répressives ! On assiste à la création d’une nouvelle administration autour du corps de l’inspection du travail.

A sa première tentative de création en 1872, l’inspection du travail est assistée de commissions locales composées de notables, et notamment d’industriels. Elles ont une fonction d’impulsion et de conseil, mais sont peu enclines à agir.


La loi du 2 novembre 1892 les remplace par des commissions départementales consultatives et consacre une commission supérieure qui adresse chaque année un rapport au ministre du travail, et est consultée sur l’élaboration des lois nouvelles et surveille leur application.( voir développement plus haut)



B Le Conseil Supérieur du Travail



Crée par le décret du 22 janvier 1891, il est composé de délégués patronaux et ouvriers, de parlementaires et de spécialistes de la législation industrielle.



C L' Office du Travail


L’ Office du travail crée en 1891 est un bureau de recherche, chargé de « rassembler, coordonner, vulgariser tous les renseignements concernant les statistiques du travail »


Publication d’un bulletin qui deviendra le bulletin du ministère du travail.

En fait l’Office sera à l’origine de presque toutes les lois sociales de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle.



D Le Ministère du Travail


La création du ministère du travail intervient en 1906, ce n’est plus le ministre du commerce et de l’industrie qui s’occupe du droit social.



E Un début de codification


Un débat s’ouvre : Code civil ou code du travail ?

En 1910, le parlement vote le livre Ier d’un code distinct consacré au contrôle du travail. Il ne comprend que 106 articles (plus de 5000 actuellement.)








1914 : La guerre est imminente. Le mouvement ouvrier est résolument attaché au pacifisme et à l’internationalisme. Mais les tractations entre socialistes français et allemands échouent : c’est l’Union Sacrée, le patriotisme chauvin l’emporte, les dirigeants S.F.I.O. annoncent qu’ils feront leur devoir, la C.G.T. leur emboîte le pas. L’internationalisme prolétarien craque.




VII L’ESSOR DU MOUVEMENT OUVRIER ET SYNDICAL



UN PUISSANT MOUVEMENT OUVRIER ET SYNDICAL



1917 : Grève dans les usines d’armement, avant tout, protestation contre la vie chère.

Mars 1918 les grèves prennent un tour plus révolutionnaire mais échouent.


L’union sacrée porte en germe l’idée d’un pacte collectif fondé sur l’association de « partenaires sociaux » chacun doit y trouver son compte. L’idée de conventions collectives fait son chemin.


A la fin de la guerre, de grandes grèves ont lieu en 1919/1920, les tensions s’exacerbent à nouveau. La S.F.I..O. est divisée, les dissensions sont accentuées par le triomphe de la révolution bolchevique en RUSSIE en 1917.


1920 : Congrès de TOURS : les délégués socialistes approuvent à la majorité des 2/3, l’adhésion de leur parti à la IIIème internationale dirigée par les bolcheviques.

La S.F.I.O. devient la section française de l’internationale communiste qui le 1er janvier 1922 prend l’appellation de Parti Communiste Français. Les minoritaires entreprennent la construction d’une nouvelle S.F.I.O. qui deviendra, bien plus tard, le parti socialiste.


En1919, la CGT compte un million d’adhérents. Son effectif a doublé depuis 1914, le taux de syndicalisation français demeure très faible. Il est très inférieur aux pourcentages anglais et allemands. Il ne dépasse 5 % du nombre des travailleurs que dans 8 départements.


Autour de Léon JOUHAUX, la majorité syndicale est réformiste.


1er mai 1919 : 500 000 manifestants défilent à PARIS. La grève générale est évitée de peu.


Le mouvement repart en févier 1920 : cheminots, dockers, mineurs, ouvriers de bâtiment, des transports sont en lutte : C’est un échec : 15 000 cheminots seront révoqués.

Mais la révolution russe renouvelle le mythe du grand soir, la rupture syndicale est vite consommée.


En juin 1922, à SAINT ETIENNE, des comités syndicalistes révolutionnaires, issus de la CGT, fondent la confédération générale du travail unitaire ( C.G.T.U).

Elle est divisée entre anarcho-syndicaliste farouchement attachés à l’indépendance absolue du syndicat et les communistes qui préconisent une liaison étroite entre le syndicat et le parti communiste (théorie de la « courroie de transmission »)

L’ancienne CGT devient ouvertement réformiste, elle recrute désormais parmi les employés, les instituteurs, les agents des PTT et autres services publics, et défend les intérêts de la classe moyenne.


La division syndicale est encore aggravée par la création en 1918 de la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens, qui veut mettre en application les orientations sociales de l’église.


25 mars 1919 : La loi fixe le statut de la négociation collective : accord de caractère solennel conclu entre un ou plusieurs syndicats de salariés et des employeurs groupés ou isolés. Ils peuvent être conclus au niveau d’une branche professionnelle, d’une entreprise, et d’une localité, d’une région ou de l’ensemble du territoire national. En général l’accord ne vaut que pour une profession.

Ces accords connaissent aussitôt un vif essor, vite suivi d’un effondrement.





A la sortie de la guerre la concentration industrielle s’accélère, la taille des entreprises augmente, désormais un quart des ouvriers de l’industrie appartiennent à des établissements de plus de 5 000 salariés. Pour la première fois, en 1931, la population urbaine dépasse la population rurale. Il y a une forte croissance économique mais au prix d’une lourde inflation.


Le pouvoir issu de la fin de la guerre est conservateur. La « chambre bleue horizon » est élue sur le programme du maintien de l’Union Sacrée et de la sauvegarde de la propriété.


Changement de cap en 1924, POINCARRE devient le dieu des classes moyennes.


La SFIO est fidèle au réformisme, la CGT aussi, le P.C.F. adopte une ligne très dure « classe contre classe ». Ses effectifs et ceux de la C.G.T.U fondent.


Le PCF prend en charge l’héritage du syndicalisme révolutionnaire au prix d’affrontements avec les anarcho-syndicalistes.

En 1931, on compte 6 300 000 ouvriers de l’industrie. De 1921 à 1931 on recrute 1 million d’ouvriers étrangers affectés aux taches les plus dures, les moins qualifiées.

La qualification des ouvriers français s’élève, la promotion sociale est possible : contremaîtres, encadrements, ingénieurs, c’est l’époque d’un puissant mouvement d’intégration de la classe ouvrière.



11 mars 1932 : création des allocations familiales.

    1. constituent les années les plus florissantes de l’après-guerre, mais la tourmente approche.


La production industrielle commence à baisser, la monnaie fortement surévaluée est menacée par la fuite des capitaux.


En 1935, le pays compte 1 million de chômeurs, soit 12,6 % de la population active. Toutes les catégories sociales sont touchées par la crise économique : paysans, commerçants, petits patrons, fonctionnaires.


Dans des pays voisins de semblables conditions conduisent à la victoire du fascisme.


6 février 1934 : grande manifestation des ligues nationalistes, elles ne se réclament pas du fascisme mais reprennent les thèmes de son programme.





VIII LE FRONT POPULAIRE ( 1936) - LA CONQUETE DE DROITS NOUVEAUX



La riposte de la gauche surprend par sa vigueur et sa rapidité. La C.G.T. appelle à la grève, les socialistes aussi, puis le P.C et la C.G.T.U -. extraordinaire !- se rallient au mouvement.


Le 12 mars, le succès de la grève générale est total.

A VINCENNES deux cortèges séparés, communistes et socialistes fusionnent. Il y a une énorme aspiration unitaire populaire à la base.


14 juillet 1935 : 500 00 personnes défilent faubourg Saint Antoine ; c’est la naissance du Front Populaire,il triomphe aux élections législatives de mai 1936. Un programme commun est adopté en janvier 1936, Léon BLUM arrive au pouvoir au moment où des grèves éclatent dans tout le pays. On compte 12 000 grèves au cours du seul mois de juin dont 9 000 avec occupation d’usines. La période est vécue comme une immense libération bien que peu de revendications précises soient exprimées ; partout l’outil de production est amoureusement préservé.






Avril 1936 : Réunification de la CGT et de la CGTU au congrès de TOULOUSE.


7 juin 1936 : Adoption des « accords de Matignon » : Programme de réformes sociales conclu entre le patronat et la CGT sous les auspices du gouvernement. Maurice THOREZ appelle à la reprise : « Tout n’est pas possible, il faut savoir terminer une grève ».

La C.G.T. compte désormais 4 millions d’adhérents, la CFTC : 500 000.


Les partenaires sociaux s’apprêtent à négocier.



A NEGOCIATIONS COLLECTIVES


La loi du 24 juin 1936 : Nouveau régime de conventions collectives, elles sont signées par les organisations syndicales les plus représentatives.

Elles peuvent être rendues obligatoires par arrêté ministériel, deviennent du droit du travail, presque aussi importantes que la loi ( salaires, classifications professionnelles, indemnités de licenciement …)

3 ans plus tard, plus de 8 000 conventions collectives sont signées dont 500 déjà étendues.



B) LES DELEGUES DU PERSONNEL


Les conventions collectives doivent comporter une clause relative à l’institution de délégués du personnel dans les établissements de plus de 10 salariés. Puis l’institution devient obligatoire, même en l’absence de convention collective nationale (1938).

Les délégués du personnel sont élus sur listes établies par les syndicats mais leurs attributions sont limitées : défense des réclamations individuelles.


C LA SEMAINE DE 40 HEURES


21 juin 1936 : loi sur la durée hebdomadaire de 40 heures. Préférence exprimée des salariés pour les 5 X 8 : cinq jours de travail et 8 heures par jour.


D LES CONGES PAYES


Jusque là, seuls les fonctionnaires, le personnel des chemins de fer, quelques cadres, pouvaient bénéficier de congés rémunérés.

La loi du 20 juin 1936 accorde 15 jours ouvrables de congés payés après un an de service continu dans le même établissement, cette disposition a un caractère d’ordre public.


Le Front Populaire ne dure que deux ans, il s’achève le 8 avril 1938 par la démission du 2ème gouvernement BLUM. La France sort difficilement de la crise, désormais c’est la situation internationale qui devient prédominante.





IX LA PARENTHESE DE VICHY



1936-1939 : Montée des périls, le nazisme s’installe en Allemagne, le fascisme en Italie, l’Espagne est secouée par une terrible guerre civile.


août 1939 : signature du pacte germano-soviétique, il entraîne de nouvelles déchirures syndicales, les militants communistes refusent de le désapprouver, des divisions se font jour, c’est le départ d’un certain nombre de militants communistes et s’ensuivent des dissensions syndicales.






2 septembre 1939 : La guerre commence, la défaite miliaire sera rapide.


Un pouvoir conservateur s’installe dirigé par le maréchal PETAIN. Il rêve d’un retour à l’ordre ancien : «  la révolution nationale". Le commandement de la société doit être réservé à son élite, sous l’autorité d’un chef militaire.


Juin 1940 : Invasion militaire allemande. Capitulation de la France.


Les confédérations syndicales sont dissoutes et interdites le 16 août 1940, la liberté syndicale disparaît. L’adhésion obligatoire à un syndicat unique est décrétée. La charte du travail du 4 octobre 1941 interdit la grève et le lok-out.

Les français, battus, restent traumatisés par la boucherie de 14-18 (dont témoignent les monuments aux morts dans les campagnes) Ils approuvent majoritairement l’arrêt des hostilités. Vichy sombre dans la collaboration avec l’occupant.

Les lois anti-juives sont adoptées avec semble-t-il un certain zèle de l’Etat français.



LA LIBERATION : DE GAULLE lance de LONDRES l’appel du 18 juin 1940, la résistance s’organise.


La donne est changée, les communistes ont tenu dans le combat patriotique une place très importante ( Francs Tireurs et Partisans) Unité du Conseil .National .de la Résistance;

Ceux qui ont souffert pour la libération du pays aspirent à des reformes sociales.


Comme toujours à l’occasion de grandes crises politiques ou sociales, le nombre de syndiqués s’accroît considérablement : 6 millions en 1946 (90 %dans l' enseignement, 62 % dans la métallurgie, 43 % aux PTT), de nouveau la CGT est réunifiée.


1947 : Echec de grandes grèves ouvrières.


Avril 1948 : le courant réformiste de la CGT estime que sa direction est dans les mains communistes. C’est le début de la guerre froide. L’alliance formée pendant la guerre avec les Soviétiques disparaît : monde libre contre bloc de l’Est, c’est la scission et la création de la CGT/FO.



La FEN refuse de choisir et demeure autonome. La division syndicale réapparaît et s’installe durablement, les relations sont tendues entre la CGT et la CGT/FO. La CGT refuse le plan MARSHALL et fait bloc avec les communistes. Elle garde une influence déterminante dans la classe ouvrière.


Très supérieure en nombre à la CFTC (qui recrute surtout parmi les employés) et la CGT/FO (principalement implantée dans la fonction publique). En 1964 scission dans la CFTC, la majorité de ses membres crée la CFDT elle se déconfédéralise» et opte pour l’autogestion socialiste.


Après la libération les organisations syndicales représentatives sont associées à la mise en place d’une législation très nouvelle et prolifique.





X LES DROITS ISSUS DE LA LIBERATION  (1945-1950) :




Ordonnance du 22 février 1945 : Création du Comités d’entreprise


La loi du 11 octobre 1946 : Médecine du travail + Prévention CRAMIF/INRS







Décret du 1er août 1947 : Institution des Comités d’Hygiène et de Sécurité (alors simples commissions du CE)


loi du 11 février 1950 : Instauration d’un SMIG,( Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti) I c’est le début d’une période de croissance économique : les 30 glorieuses.



XI : L’ELARGISSEMENT DES DROITS FONDAMENTAUX  (1968-1981 ) :



Le sens du mouvement de mai 1968 : révolution des mœurs, anti-autoritaire, contestation contre la guerre au VIETNAM.

Obtention de la 4ème semaine de congés payés


Loi du 27 décembre 1968 : création de la section syndicale d’entreprise


16 juillet 1969  : Formation professionnelle


13 juillet 1971 : convention collective


La loi du 5 juillet 1972 . loi FONTANET, :


  • l’inspecteur du travail peut saisir le juge des référés en cas de danger grave et imminent. Celui-ci peut prescrire des mesures conservatoires.

  • Correctionnalisation des infractions à la sécurité, les infractions deviennent des délits et non plus de simples contraventions.


22 décembre 1972 : Egalité de rémunération entre les hommes et les femmes.




































2ème partie




27 décembre 1973 : loi sur l’amélioration des conditions de travail


  • création de l’A.N.A.C.T (Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail)

  • horaires individualisés

  • droit d’alerte

  • hébergement collectif (chantier)

  • pouvoirs renforcés du CE



se produit la catastrophe de LIEVIN : 42 mort


le 23 janvier 1975 : Pour la première fois un employeur : Monsieur CHAPRON est mis en détention provisoire par le juge d’instruction Patrice DE CHARRETTE. :

A la suite d’un accident du travail mortel à l’usine Huiles goudrons dérivés de Vendin-Le-Vieil : un ouvrier Monsieur WUILLAUME, salarié d’une agence de travail temporaire, meurt écrasé entre deux wagons de chemin de fer sur une voie de chargement à l’intérieur de l’usine. 

Ecrit par sudiste, le Mercredi 28 Décembre 2005, 16:13 dans la rubrique "Ressources".