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Syndicat Sud Travail Affaires sociales du Ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale
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Sud Travail Affaires sociales
Quelle inspection du travail ?
Il y a un an -début 2001- Monsieur CHAZE remettait à l'administration centrale un rapport sans titre et qui prit donc selon l'usage, son propre nom, immortalisant ainsi ce directeur régional du travail, président d'un groupe de travail "sections d’inspection" mis en place dans le sillage du « Programme Pluriannuel de Modernisation » de 1999 .Au terme d’une année de travail, après s'être réuni quelques dix-huit fois et avec trois mois de retard sur la commande solennelle des quatre directeurs d'administration centrale , ce groupe a donc produit, sous le regard attentif de l'administration centrale, un opuscule : trente pages environ. Un de plus, pouvait-on dire et croire.

Ce n'est qu'au fil des mois que nous avons pu constater l'importance de ce document, non pas tant en raison de son contenu que des constantes références faites à ce document au sein de la hiérarchie mais également hors du ministère , aussi nous est-il apparu nécessaire d'en faire une lecture attentive.

De prime abord bien des points positifs semblent s’en dégager et tout d’abord la nécessité de créer de nombreux postes de contrôleurs du travail (près de 200), ce qui est loin d’être négligeable. Le "rapport CHAZE" semble sur ce point donc, du moins en apparence, aller dans le sens de l'une des revendications fondamentales de SUD TRAVAIL, le doublement des sections d'inspection du travail et des effectifs correspondants.

Par ailleurs vont également dans le sens de ce que nous affirmons depuis notre création, certains constats et notamment :
 La difficulté des missions de contrôle, et tout particulièrement celles assumées par les contrôleurs,
 L'insuffisance de la présence de l'inspection du travail tout particulièrement dans les très petites entreprises,
 L'inadaptation totale des outils informatiques mis à disposition des agents de contrôle,
 L'absence d'une volonté politique forte au niveau national.


Plus largement, le seul fait que l’inspection du travail puisse faire l’objet d’un rapport, alors même que depuis bien des années cette mission essentielle de notre ministère apparaissait laissée de côté, voire oubliée par la haute hiérarchie, pouvait être perçu comme un signe d’espoir.

Toutefois, il ressort très vite que ces supposées avancées, pour importantes qu'elles soient, ne constituent que des concessions du bout des lèvres faites à la "base" du groupe de travail. Bien plus même, ces concessions apparaissent toujours retournées contre leur objet, détournées de leur sens initial, ou même contredites quelques pages plus loin. En fin de compte elles ne sont sans doute que les termes d'un marché sordide, l'objet d’un marchandage. "Nous vous accordons la création de trente sections et de 173,1 postes de contrôleurs du travail, mais en échange de votre indépendance" :ainsi peut-on lire le rapport CHAZE. Avec de plus, une large dose de mauvaise foi qui permet à Monsieur LACAMBRE, nouveau DAGEMO, de rappeler publiquement que les préconisations de ce rapport en matière d'effectifs "n'engagent pas le ministère du Budget". On s'en doutait un peu … et voilà qui est dit : il ne s'agissait là que d'un marché de dupe.



I - CRISE AVOUEE, CRISE A MOITIE …

L’inspection du travail serait en crise : crise d’image, crise d’identité, de légitimité et de conscience pour tout dire.

Face à une telle affirmation, bien souvent répétée, nous tenons d’abord à affirmer très clairement que pour notre part, nous exerçons ce métier que nous avons choisi, avec plaisir et peut-être même avec malice : non sans interrogations, bien sûr, mais sans « états d’âme ».

Le problème n’est pas toutefois de déterminer la véracité de l’assertion selon laquelle l’inspection traverserait une crise mais bien plutôt de cerner la fonction de cette énonciation dans l’économie du discours qui nous est tenu.

Cette finalité est très claire : l’affirmation incantatoire d’une telle crise supposée vise à instaurer un état de soumission et de fragilité chez ceux à qui elle s’adresse, selon la stratégie très classique du cléricalisme. Soit, selon les lieux et les époques : « reconnais que tu es pêcheur », « que tu es névrosé », « que tu as des comportements petit-bourgeois », et enfin : «que tu es en crise ». Cette affirmation vise également à briser ou piéger tout esprit critique en le faisant se retourner contre leurs auteurs sous forme d’ «auto-critique ». Et bien entendu est mise en place dans le même temps toute une tactique de culpabilisation à l’égard de ceux qui résistent à cette pression.

Disons-le clairement : l’administration a besoin que les agents de l’inspection du travail se reconnaissent en « crise », afin d’imposer des réformes et une reprise en main des services.

Redisons-le très haut : désolés, messieurs les censeurs, nous exerçons ce métier avec plaisir et ne souffrons nullement d’un « déficit d’image » ni d’une « crise d’identité » ou de « légitimité ». Au demeurant les salariés et les employeurs que nous sommes amenés à rencontrer quotidiennement ne doutent pas davantage de la légitimité de nos fonctions -assurer l’application du code du travail- et cela seul nous importe


II-- LA POURSUITE D'UNE MESURE DE L'ACTION DES SERVICES :

Dès l’introduction il est énoncé qu "il est nécessaire de placer au premier rang des critères réellement opérationnels" et plus loin le rapporteur en appelle à "une réflexion sur l'évaluation des résultats", énonçant qu'il faut "construire les méthodes d'évaluation collective et individuelle". Cette supposée nécessité de mesurer « l’utilité sociale » apparaît comme une véritable obsession et ainsi est-il clairement dit que « La mission (de contrôle) doit se mesurer par des résultats tangibles, mesurables et évaluables… »

Malheureusement pour le rapporteur, ainsi qu'il le reconnaît lui-même, "les plus grandes difficultés [sont] liées en particulier à la définition des critères et à la complexité de la construction des indicateurs. " Rassurons-le tout de suite sur ce point : il existera toujours quelque énarque capable de nous concevoir une batterie d'indicateurs complexes …afin de pouvoir mesurer les performances des agents de contrôle et les juger. A défaut, il sera toujours possible de sous traiter ce beau travail à l’un des cabinets de consultants préférés du ministère : ADIGE, RHYZOME ou autre.

Il est tout aussi dépourvu de sens de vouloir quantifier l'efficacité de l'activité des agents de contrôle que de vouloir quantifier par exemple celle des médecins généralistes : ici le taux de mortalité de ses clients, là le taux d'accident du travail dans la section -pourquoi pas en effet?. Pourquoi pas, de même, vouloir mesurer l’effIcacité du travail des juges pris individuellement, et de l’institution judiciaire comme système ? Et l'on verra un peu plus loin que le seul critère réellement évoqué est … celui du taux de classement des procès-verbaux

Ainsi s'effectue un glissement d'une obligation de moyen à une obligation de résultat, sans que nul ne soit en mesure de déterminer le résultat à obtenir. Signe d'absolue défiance à l'égard des fonctionnaires chargés de ces missions, ce besoin incoercible d'évaluer l'efficacité de l'action de l'inspection du travail, sous prétexte de pouvoir rendre compte au citoyen de son action, n'a d'autre but que de contrôler l'activité de ses services -et à certains agents de contrôle de démontrer qu'ils sont les meilleurs... Au demeurant l'instauration de tels critères -forcément quantitatifs-, n'auraient d'autres effets que d'atteindre qualitativement le service public rendu.

On remarquera que cette volonté de quantifier l’action des services se trouve déjà dans le Programme Pluriannuel de Modernisation (PPM) du ministère pour 1999 qui énonçait selon sa phraséologie : « La reconnaissance de la nécessité de l’évaluation des politiques publiques structure de manière croissante les méthodes du ministère (…) Le développement depuis 1997 du Projet d’Evaluation et de Mesure d’Efficacité dans le domaine des relations de travail (POEME) illustre l’importance désormais conférée aux démarches d’évaluation de l’impact des actions collectives des services » . A l’évidence, cette parenté des discours ne relève pas d’une coïncidence ni d’une identité harmonieuse des conceptions des agents de base et du sommet de la hiérarchie. Bien plutôt le « groupe CHAZE » apparaît comme une caution « démocratique », et n'a été qu’une chambre d’enregistrement des souhaits de la haute administration sur ce point.

Mais soulignons-le, le travail du « groupe Chaze » se clôt à cet égard sur un échec : en effet la lettre de mission, très officielle signée par le DRT et le DAGEMO, demandait que soient dégagés « les critères pertinents pour mesurer l’activité des services » . Et la réponse donnée est, nous l’avons vu, que c’est une question bien difficile : il n’y avait pas besoin de tant de réunions pour arriver à cette conclusion.


III - LA RECHERCHE DE L'ACTION COLLECTIVE :

L'action collective paraît manifestement avoir aux yeux des membres du "Groupe CHAZE" une valeur pour elle-même. Les expérimentations sur le terrain, la précision étant nécessaire puisque l'administration centrale doit sans doute posséder quelque laboratoire secret, sont considérées forcément comme "ouvrant des pistes riches d'enseignements" et il s'agit donc "d'initiatives locales prises pour réformer les méthodes de travail et le fonctionnement des sections d'inspection, dans le sens d'une plus grande efficacité."

Sauf que les fiches de présentation des expériences évoquées énoncent explicitement dans trois cas sur quatre que "ces démarches sont coûteuses en temps" et, dans le quatrième cas, ce défaut qui ailleurs serait rédhibitoire est implicitement reconnu. En d'autres termes donc, ces tentatives sont contre-productives.

D'où vient donc que la hiérarchie mette en exergue ces expériences et les cite constamment en exemple ? Simplement parce que s'il n'en découle aucun bénéfice en terme d'efficacité de l'action des services, il en résulte pour la hiérarchie une plus value de pouvoir -réalisée grâce au détournement des missions fondamentales de l’inspection- et d’appréciables bénéfices médiatiques.

En outre, le plus souvent, ceux-là même qui prônent le travail de groupe, ne le sous-entendent que comme moyen de se mettre en valeur, et d’éliminer les autres par l’éclat de leur action et la force de leur personnalité, à l’instar de certain « jeu » télévisé qui, en cet état 2001, a défrayé la chronique : le travail de groupe n’y est pas vu comme moyen d’une action plus efficace , mais comme un terrain d’affrontement et un lieu propice à se faire valoir. Pour l’administration centrale, l’action collective telle qu’elle est ainsi conçue, est à l’évidence un moyen de mettre en concurrence les agents, ceux-ci étant évalués en fonction des résultats mesurables dans le cadre de ces actions.

Cette conjonction entre certains intérêts individuels et le souhait de la hiérarchie de contrôler l’action des services est un piège particulièrement redoutable que nous tend, ici, ce rapport.

Par ailleurs et dans le même temps les actions prioritaires, désormais dénommées « actions coordonnées » acquièrent une prééminence absolue sur le reste de l’action quotidienne de l’inspection du travail : c’est en effet par elles et elles seules qu’est possible la mise en concurrence des agents et c’est sur ce terrain-là qu’ils peuvent, mais également la hiérarchie intermédiaire -directeurs adjoints, directeurs départementaux …- faire preuve de leur « excellence ». Cette prééminence s’inscrit désormais dans les textes dans le projet d’instruction technique relative aux procès-verbaux où figure en annexe un modèle d’arrêté préfectoral qui vise, sauf preuve contraire à conférer aux directeurs départementaux un véritable pouvoir de réquisition sur les agents de contrôle, pour les actions coordonnées. Enfin cette prééminence est énoncée très crûment dans un rapport -encore un- établi, pour la MICAPCOR, par le cabinet ALVA CONSEIL : « les sections d’inspection du travail sont amenées à remplir un ensemble de tâches très diversifiées. Ces tâches (…) sont de plus en plus amenées à changer dans leur répartition en fonction des orientations de la politique gouvernementale et notamment des actions prioritaires décidées au niveau du ministère »

En clair, l’inspection du travail n’apparaît plus que comme un exécutant du pouvoir politique en place …

Certes, on nous objectera qu’à l’heure des restructurations obéissant à des stratégies mondialisées, à l’heure où la recherche de flexibilité et de dumping du droit social s’exercent au niveau de la planète, nous serions au mieux naïfs au pire irresponsables de nier l’intérêt de coordonner nos actions.

Il ne nous avait pas échappé que l’époque du contrôleur ou de l’Inspecteur du Travail « bon soldat solitaire de la République » redressant à la pointe de son code du travail les abominations des exploiteurs assoiffés de profit, était peut-être révolue. De même avons- nous cru remarquer que la crise de l’autorité des institutions frappait tout autant l’Aura de l’agent de l’inspection du travail que celle du policier (ou du Président de la République) qui se fait cracher dessus. ( Ah ! si au moins il n’y avait pas eu 68).

En tant que syndicalistes, nous sommes bien placés pour savoir que l’union et la coordination sont nécessaires. En tant que professionnels de l’inspection du Travail nous avons déjà mesuré combien des actions collectives pouvaient produire des résultats que n’aurait jamais pu atteindre la seule juxtaposition des bonnes volontés et des compétences individuelles si grandes fussent-elles.

En d’autres termes ce n’est pas de l’intérêt des actions collectives dont nous doutons mais de la légitimité de ceux qui entendent nous les imposer et de leur capacité à les articuler de façon cohérente Et même à supposer que nous ne soyons que des contestataires irresponsables l’absence de moyens humains, matériels et juridiques donnés à l’inspection du Travail suffirait à convaincre de l’absence de réelle volonté de voir réussir ces actions collectives.


IV – LE CŒUR, LE CŒUR, VOUS DIS-JE !

ll faut, nous dit-on, recentrer, l’inspection du travail sur «le contrôle du respect des règles de l’ordre public social … dans ses principaux domaines de compétence :
 La santé et la sécurité au travail,
 La durée du travail et le salaire,
 La lutte contre les discriminations et la protection des libertés,
 La lutte contre la précarisation des emplois,
 La mise en place d’institutions représentatives et l’appui au dialogue social»

Un tel rappel nous paraît pleinement salutaire : le sens de notre métier réside bien dans ces cinq volets englobant la totalité de la protection à garantir aux salariés. On ne peut que se réjouir de voir passée à la trappe notamment la lutte contre le travail clandestin conçue comme simple mission de police et jadis tant prônée par l’administration centrale. Deux ambiguïtés cependant seraient à lever. En effet il n’est nullement évident qu’aux yeux de ce rapport, notre intervention dans la totalité du champ ainsi déterminé soit légitime.

En effet la double référence à la notion d’« ordre public social » d’une part et, d’autre part à la protection à assurer « aux salariés les plus exposés dans le cadre des relations contractuelles ou sociales inégalitaires» laisse supposer qu’il s’agirait de ne couvrir qu’une part restreinte de ce domaine, le reste étant laissé aux organisations syndicales auxquelles seraient confiées de plus larges attributions, alors même qu’en raison de leur faiblesse, résultat du délitement du lien social, elles ne sont plus malheureusement aujourd’hui en mesure d’établir en faveur des salariés un rapport de force suffisant face au patronat.

Bien entendu cette remarque est à apprécier au regard des projets du gouvernement, cédant sans résistance sur ce point au MEDEF, de renverser la hiérarchie des sources du droit, l’accord collectif, fut-il d’entreprise ayant vocation à prendre le pas sur la Loi, ce qui constitue, et tout en même temps, permet un formidable retour en arrière et un coup d’état contre la démocratie, que nous condamnons sans appel.

Ceci étant, on ne peut qu’approuver sans réserve que soit ainsi exclu du domaine d’intervention de l’inspection, la question des « aides à l’emploi » : nous estimons qu’il importe que ces aides ne soient pas accordées les yeux fermés, et qu’un contrôle effectif de la juste utilisation de ces fonds soit opéré : mais cela ne doit pas entrer dans les missions de l’inspection du travail : la protection des salariés et le contrôle des fonds publics étant deux tâches à distinguer nettement.

Le problème est que la suite du rapport contredit allègrement ce beau principe; ainsi dès la page suivante, est-il évoqué, comme niveau plus pertinent de l'intervention de l'inspection le … territoire car "dans une période où l'articulation des problématiques travail/emploi, sur le terrain, avec l'ensemble des partenaires extérieurs (bonjour les pressions extérieures indues, dixit la convention OIT 81 ), est un enjeu pour les services déconcentrés, il convient de renforcer ce principe d'organisation, dont la pertinence est encore renforcée par la démarche de projet (…) associant l'ensemble des acteurs concernés.

Et plus loin, alors que le rapport rejette une supposée "instrumentalisation" de l'inspection du travail qui serait inhérentes aux demandes d'avis en matière d'octroi des aides à l'emploi, elle ne s'offusque pas et bien au contraire elle recommande "un portage partagé (que c'est beau) des problématiques travail/emploi, qui serait assuré par les services respectifs d'inspection et de l'emploi.

Plus même, ce rapport souhaite "renforcer la fonction de veille sociale exercée par les sections sur les problématiques émergeantes en matière d'emploi et de formation : et là, il n'est plus question d'instrumentalisation. Et enfin, il nous est dit sous la rubrique "améliorer les techniques d'intervention" que : "la démarche de professionnalisation doit être conduite (…) en auditant (sic) les procédures d'intervention en matière d'emploi." On souhaiterait avoir à cet égard des précisions mais, en tout état de cause, nous voilà bien loin du rôle recentré sur "le cœur du métier"…

Enfin force est de constater que le rapport CHAZE reprend à son compte la démarche « POEME » telle qu’elle est résumée dans l’étude précitée d’ADIGE CONSEIL :
« POEME constitue à proprement parler un projet de service des sections d’inspection du travail, qui a pour but d’accroître l’efficacité des sections d’inspection (…) on peut noter les décisions suivantes :
 Concentrer l’action des sections d’inspection du travail sur les tâches prioritaires appelées Noyau dur, comprenant notamment le conflit collectif, l’accident du travail grave ou mortel, les instituions représentatives du personnel, les institutions représentatives du personnel et la durée de travail »
( … )

L’efficacité du travail de l’inspection résiderait pourtant bien plutôt dans l’intervention en entreprise avant que l’accident grave ou mortel ne survienne : mais cela, assurément n’est pas quantifiable : combien d’accidents évités par notre intervention quotidienne ? Nul ne saura jamais le dire : et ce n’est pas pour cela qu’il convient de faire passer par pertes et profits ce travail.


V - " LE CADRE D'UN TERRITOIRE... " : OUI, MAIS LEQUEL ?

Après avoir entonné un cocorico louant les mérites d'une inspection généraliste ( à la Française), conception que nous soutenons d'ailleurs sans réserve, le rapport semble ériger en modèle de cadre territorial la section, "« principe d'organisation pour l'inspection qu'il apparaît cohérent de renforcer » . Avant d'applaudir à tout rompre, regardons-y d'un peu plus près :
- A peine prononcée l'éloge -" un élément bien identifié d'une administration de proximité "- on nous annonce que cette structuration fait " débat ", et que d'autres organisations " semblent possibles, et pour certains " -qui, une secte ? - " plus efficaces " -pourquoi ? Selon quels critères ? Nous ne le saurons pas... -. Nous retrouvons là bien entendu un signe de plus du syndrome de la pseudo crise identitaire,
- Et ce renforcement annoncé du principe d'organisation qu'est la section n'est, selon le rapport, justifié que par la nécessité -un " enjeu ", nous assène-t-on- de " l'articulation des problématiques travail-emploi,... avec l'ensemble des partenaires extérieurs ", et " sa pertinence est confortée par la démarche de projet (plan d'action, diagnostic local », etc... .

En fait, derrière ce jargon indigeste, filtre, et sous couvert de défendre la section, la volonté d'étendre des expérimentations, pourtant fort critiquées par ceux-là mêmes qui les ont tentées (ou subies), expériences que nous récusons, qui ont consisté comme en Haute-Savoie à mêler indistinctement des logiques emploi et travail dans un même cadre territorial (les sections-vallées...), cela sur fond d'une chimère, le secteur géographique supposée " homogène au plan économique "

Si Sud-Travail défend l'organisation en sections, pour la seule inspection du travail et ses missions spécifiques, c'est qu'il s'agit d'une donnée, en termes d'organisation territoriale, cadastrale, essentielle à la mise en œuvre et à la préservation de l'indépendance de l'inspection du travail garantie par la convention OIT n° 81 ; cela précisément car cette conception se suffit à elle-même et évite ainsi toute autre forme d'organisation de l'inspection, par thèmes ou par branches professionnelles par exemple, qui viendrait saper la conception généraliste ou, pire, orienter l'action de l'inspection au gré des pouvoirs en place.

Or ici, on le comprend aisément, il s'agit de tout autre chose dont rêve l'administration et le rapport joue habilement sur l'ambiguïté de la notion de territoire. Il faut le relire à deux fois, pour comprendre qu'il ne s'agit pas, sous ce vocable abscons, de la section, mais d'une entité plus large où se dissoudraient les sections non seulement géographiquement mais également fonctionnellement. En effet, cette logique de "territoire" est celle des politiques de l'emploi avec comme horizon, bien entendu, celle de la hiérarchie impliquée dans leur mise en œuvre, mais également celle des édiles locaux, à laquelle en fin de compte serait subordonnée subtilement l'action de l'inspection.

Et si référence est faite au territoire, c'est toujours comme espace nécessaire au développement d'une action collective, jugée pertinente uniquement dans un tel cadre: bassin d'emploi, département région voire même l'Etat. Or, on le voit très clairement avec les problématiques liées à la mondialisation et au développement des sociétés multinationales, le capitalisme se joue des frontières et des territoires, dans un processus de déterritorialisation sans fin. Dans ce sens, le travail collectif pertinent à promouvoir est celui qui consisterait dans la mise en commun du travail individuel de contrôle effectué par les agents de base des établissements d'une même entreprise ou du même groupe. Cette mise en commun se ferait sur des objectifs précis (tel problème dans tel groupe), sans hiérarchie, si ce n'est sans coordination effectuée a priori par l'inspecteur (ou le contrôleur) du siège de l’entreprise. Or, est-il besoin de le dire ? Le rapport n'envisage nullement ce type d'actions, quelle qu'en soit la nécessité. Et pour cause : puisque précisément, elles échappent totalement à la structure hiérarchique existante au sein du ministère (directeur régional du Travail, directeur départemental, inspecteur, enfin comme manager de son équipe. Et qu'il n'est recherché, dans la réforme projetée de l'action de nos services, que la plus value de pouvoir qu'ils peuvent en tirer...



VI - UNE HYPOTHETIQUE FORMATION :

A- Préalables :

Sur la page consacrée à la formation des agents de contrôle, quatre lignes seulement portent sur la formation des inspecteurs pour se limiter à énoncer que celle-ci est pleinement satisfaisante au seul motif d'une réforme de la pédagogie impulsée par un rapport produit par un chercheur du CNRS (rapport KADHOURI), garantie "scientifique" oblige. Or si ce rapport est loin d'être inintéressant, il ne concerne que la forme (technique pédagogique) et non le contenu des enseignements eux-mêmes, ce qui est -naturellement- le plus important.

Par ailleurs, nous constatons avec intérêt qu'étant constatée l'hétérogénéité des niveaux de connaissance théoriques des contrôleurs recrutés, il est suggéré "une formation réellement "professionnalisante(sic) , construite de façon individualisée sur la base d'un bilan de compétence." Il est tout à fait surprenant que la même nécessité ne soit pas remarquée pour ce qui concerne les inspecteurs-élèves du travail dont la disparité à cet égard n'est pas moindre, sinon plus grande.

Enfin, le rapport dit KADHOURI fait l’impasse, bien entendu, sur la sélection par l’exclusion au sein de l’INTEFP qui appellerait un développement spécifique : nous nous limiterons à dire que ces carences de la formation feront l’objet de la part de notre organisation d’une prochaine saisine du B.I.T.

B - Sur le contenu de la formation des inspecteurs :

On observera avec intérêt qu'il est noté que "la formation initiale des inspecteurs du travail (…) met désormais l'accent sur leur environnement, notamment au sein des DDDEFP, et leurs responsabilités d'encadrement." En d'autres termes, la formation technique et juridique des inspecteurs est désormais passée au second plan à telle enseigne que la durée totale de la formation théorique en hygiène-sécurité est de 30 jours (!), ce qui est tout à fait dérisoire au regard de la complexité de la législation et des responsabilités engagées lors des actions de contrôle, étant entendu que la protection de la santé des travailleurs est le cœur du métier d'agent de contrôle.

Force est donc de constater que l'objectif du ministère est de former des cadres polyvalents dont la valeur sera jugée à l'aune de leur mobilité professionnelle, aptes à toutes fonctions et donc inaptes réellement à exercer la fonction spécifique d’inspection du travail. ?

C - Sur la formation initiale des contrôleurs :

Ainsi que le remarquait le Conseil Economique et Social , il n'est pas admissible que les fonctions de contrôle des entreprises de moins de 50 salariés soient confiées à des agents -en l'occurrence les contrôleurs du travail n'ayant pas, en matière de réglementation du travail une formation identique à celle dispensée aux agents -inspecteurs du travail- assurant le contrôle des entreprises de plus grande importance.

Au demeurant, le rapport constate que « les contrôleurs du travail (…) acquièrent encore trop souvent seuls sur le terrain, au prix d’expériences parfois pénibles, les connaissances et le savoir-faire spécifiques nécessaires aux actions de contrôle dans les plus petites entreprise. »

Nul ne saurait contester la pertinence de ce constat, et l’on voudrait croire que la formation dispensée par l’INTEFP aux IET les dispensera de telles expériences. Mais il est vrai que celles-ci sont largement spécifiques au contrôle des très petites entreprises où les inspecteurs ne s’aventurent guère.


D- Note sur les compétences effectives des inspecteurs et des contrôleurs du travail :

Dans la pratique, on constate que les contrôleurs du travail en section d'inspection ont, de fait et statistiquement, une identique compétence -notamment en hygiène-sécurité- que les inspecteurs qui sont supposés les encadrer. Le nombre important de contrôleurs assumant des fonctions de formateurs au sein au ministère du travail -notamment dans le cadre de la formation initiale des inspecteurs- en donne une preuve évidente.


Au surplus une étude sociologique pourrait prouver aisément que le niveau moyen de formation initiale des contrôleurs n'est pas sensiblement inférieure à celui des inspecteurs : mais il est douteux que l'administration centrale l'entreprenne dans la mesure précisément où cela ne pourrait que mettre à mal la légitimité d'une relation hiérarchique qu'elle veut imposer.


VII- APPRENDRE à COMPTER :

A - La charge de travail des inspecteurs :

Le rapport suggère que les inspecteurs consacrent d'une part 4 demi-journées par an à la visite de chacune des entreprises dont ils ont la charge (soit en moyenne 75 entreprises de plus de 50 salariés) et une journée et demie à leur rôle de chef de service. Sur une base actuelle de 47 semaines de travail, cela correspond à :
1- 150 jours par an consacré au contrôle des entreprises de plus de 50 salariés,
2- 71 jours "d'animation"

soit un total de … 221 jours de travail sur 217 jours de travail maximum

Questions parmi d'autres, sachant que ce nombre de 75 est un seuil minimum et non une véritable moyenne :
 quand les inspecteurs tiennent-il leurs permanences ? le dimanche ?
 quand les inspecteurs du travail programment-ils le suivi de chantiers : le premier mai, les 29 et 30 février ?
 sur quelle plage horaire les mêmes inspecteurs effectuent-ils les enquêtes de licenciement de salariés protégés - entre 22 heures et 6 heures du matin ?
 quand les inspecteurs du travail vont-ils en stage ? Pendant leurs congés payés, comme le suggérait un célèbre ministre de l'éducation nationale pour ses propres agents ?
 combien de temps ces mêmes agents peuvent-ils consacrer aux enquêtes accident du travail : deux minutes par accident mortel, 30 secondes pour les autres ?

Le temps de rédaction des lettres d’observations sera par contre, considéré comme négligeable, étant faites au dictaphone, dans les voitures de fonction, au retour des contrôles. Par ailleurs l’établissement des procès-verbaux sera sous-traité à des cabinets de conseil.

B - La charge de travail des contrôleurs :

Le rapport énonce qu'il "faut limiter à cinq ans la périodicité maximale des contrôles dans tout établissement de moins de cinquante salariés" et que par ailleurs :
 les contrôleurs doivent effectuer 300 à 400 interventions par ans, y compris les chantiers.
 dont au moins 200 visites "programmées dans le cadre du plan d'action".

Or que l'on se situe dans le cadre dudit "plan d'action" ou dans le cadre des autres contrôles systématiques ou pour tout autre motif (accident du travail, plainte …), les visites n'ont le plus souvent d'efficacité que si elles sont suivies de ce qu'il est d'usage d'appeler une contre visite. Si l'on part d'une base d'une contre visite nécessaire pour deux "premiers" contrôles, trois cents interventions correspondent à 200 établissements contrôlés seulement: ce qui correspond à une périodicité de sept ans et demi du contrôle de la totalité des 1500 établissements.

Par ailleurs, aucune distinction n'est faite entre la taille et la nature des établissements en matière de périodicité : or la présence nécessaire de l'inspection du travail n'est pas similaire pour un établissement industriel de 49 salariés et une entreprise du secteur tertiaire comptant quelques salariés seulement. Il n'est en effet pas sérieusement défendable -et c'est un euphémisme- d'énoncer que tout établissement de cinquante salariés doit bénéficier de deux jours de contrôle par an de la part d'un inspecteur du travail et d’accepter dans le même tant que les entreprises de 49 salariés ne voient un contrôleur que tous les cinq ans, alors même que l’absence d’institutions représentatives du personnel (C.E, CHSCT de droit et D.P., le plus souvent de fait) rend la présence de l’inspection du travail d’autant plus nécessaire.

Il est donc fort probable que, comme dans le passé les très petites entreprises ne verront jamais l'ombre d'un agent de contrôle.

Par ailleurs et sauf erreur de notre part les "plans d'action" s'inscrivent dans le cadre des actions prioritaires, nationales ou locales. En d'autres termes, les interventions ainsi concernées ne visent qu'un type de problème -très généralement l'hygiène et la sécurité. Or la nécessité de contrôle périodique général -et non seulement ciblé sur un type de risque- de tous les établissements doit être impérativement reconnue.

Par ailleurs, on observera avec intérêt que le nombre de contrôles intègre les visites de chantiers, qui ne saurait en aucun cas être considérés comme "visite d'établissement" dès lors que le nombre (1500) d'établissements auquel fait référence le rapport se réfère évidemment aux seuls établissements permanents au sens de l'INSEE. Ce qui fait évidemment encore chuter la périodicité réelle de contrôle à espérer des dites entreprises.

Ainsi, si un contrôleur ayant dans son secteur 1500 établissements fait effectivement 300 visites par an dont 75 chantiers et 75 (autres) contre-visites et à supposer qu'il ne contrôle par ailleurs jamais deux fois la même entreprise, la périodicité moyenne passe des cinq ans indiqués dans le rapport à…10 ans.


VIII - AU-DELA DE L'INDIVIDUEL :

Les contrôleurs en section se borneraient à traiter des cas individuels et l'essentiel des demandes de rendez-vous relèveraient -horreur- du contentieux prud'homal. Ce constat n'empêche pas l'auteur du rapport de vanter, non sans raison la conception généraliste de l'inspection du travail en ce qu'elle "favorise une approche globale de la personne au travail"

Cette volonté affichée recouvre deux problèmes : d’une part, celui de l’écoute par les agents de contrôle de la parole des salariés, sans la médiation des services de renseignements ou des institutions représentatives du personnel –lorsqu’elles existent-, d’autre part, celui du conseil au salarié dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler la phase pré-prud’homale.

En d’autres termes, l’inspecteur et le contrôleur doivent-t-il se limiter à une action de type « objectif », bornée à la seule application des dispositions pénalement sanctionnées du code du travail au bénéfice de la collectivité des travailleurs ou, à l’inverse, adopter une position « subjective », impliquant l’écoute de la souffrance au travail -y inclus lorsque aucune armes juridiques ne leur permet d’intervenir directement ?

C'est un débat vieux comme l'inspection du travail:


Oui la mission de contrôle est primordiale et doit prévaloir largement sur le traitement de la réclamation individuelle, lequel ne peut être exercé que de façon accessoire et ne doit l’être aucunement au détriment des actions de contrôle. L'intérêt de la réclamation individuelle est de pouvoir alimenter la mise en œuvre du contrôle des droits collectifs.

Mais, on sait que le traitement de la réclamation individuelle peut -et doit- occuper une place aussi importante que celle des actions de contrôle proprement dit dans la mesure où elles ne sont pas dissociables: les mener de front peut constituer un gage de cohérence et d’efficacité de nos missions.

A l’évidence, cette diversité traduit la multiplicité de nos rapports au travail, profondément enrichissante et qu’il convient de préserver. Encore faut-il noter que les pratiques professionnelles sont sans nul doute moins divergentes que la formalisation et la théorisation que chacun en fait.

Mais il faut souligner que l’administration tient elle-même un double langage : d’une part il ne faudrait jamais intervenir dans le cadre de pré-contentieux individuel et, dans le même temps Madame GUIGOU, dans une interview au « Monde » incite les inspecteurs du travail à le faire : il est vrai dans un contexte médiatique très particulier, s’agissant de la notation des salariés de IBM : est-ce pour autant que les ouvriers de petites entreprises n’auraient pas droit aux mêmes attentions de nos services, au seul motif que la presse ne fera pas la une de leurs problèmes, cependant pas moins aigus ?

En tout état de cause, au moment où le législateur confie à l’inspection du travail de plus en plus de pouvoirs en matière de relations individuelles de travail avec les textes sur le harcèlement sexuel et sur le harcèlement moral, il apparaît désormais difficile de faire l’économie de l’écoute de la parole individuelle des salariés

Pour ce qui concerne ce souhait de transférer aux services de renseignements, toute la demande supposée relevée du contentieux et des simples informations, nous terminerons par quelques remarques :
1- nous ne nions nullement que les services de l’inspection compte tenu de leur effectif, n’est pas en mesure, tant s’en faut, de satisfaire la totalité de la demande et que celle-ci étant potentiellement infinie, une solution doit être recherchée ;
2- Toutefois, le transfert à un autre service des directions départementales ne résout nullement la question. En effet les services de renseignements sont déjà débordés –et c’est précisément parce qu’ils sont débordés que les permanences des agents de l’inspection sont saturées, par effet de vases communicants. Or s’il est préconisé par le rapport « un renforcement » des services de renseignements, aucun chiffrage des besoins en termes de ressources humaines n’est fixé, ni par ce rapport, ni par le rapport SALVY. Faire face à cette demande impliquerait des créations d'emplois qui sont exclues , les seules préconisations du rapport -la création de 173.1 postes de contrôleurs en inspection- étant rappelée- "comme n'engageant pas le ministère du Budget".
3- Enfin force est de souligner que le souhait de « vider les permanences » n’a comme autre but que de « cesser d’être soumis à la pression » afin de pouvoir, tranquillement « réaliser son plan d’action » en fonction de quoi seul l’agent sera jugé. Et payé. Soyons plus radicaux : afin de lutter contre cette intolérable « pression », nous faisons les préconisations suivantes :
 suppression des accidents graves et mortels : les contrevenants -salariés- à cette interdiction étant pénalement sanctionnés,
 suppression de l’autorisation administrative de licenciement des salariés protégés -mesure qui au surplus permettrait leur rapide et totale disparition.

Ironie mise à part, il convient pour clarifier les termes du débat, de rappeler le sens de nos missions. Il ne s’agit pas d’intervenir au profit d’intérêts particuliers et les contrôles effectués par l’inspection du travail doivent concerner la collectivité des travailleurs et la sauvegarde de l’ordre public. L’inspection du travail ne saurait être considérée comme un organisme chargé d’effectuer des prestations de services, fut-ce au bénéfice des salariés. En ce sens nous sommes absolument opposés à la logique développée par le Programme Pluriannuel de Modernisation du ministère de 1999 , logique que reprenait très clairement la lettre de mission créant le dit groupe « CHAZE » qui l’enjoignait « d’utiliser les travaux du groupe chargé de l’analyse de l’offre de service ». Et Nous voulons croire que ce rapport s’oppose résolument à cette logique.


IX - USINE A GAZ : à quand une prévention de ce risque ?

L'action de l'inspection du travail dans le sens d'une "meilleure efficacité sociale" doit s'inscrire :

A - dans le cadre d'un plan régional d'action de l'inspection du travail élaboré par un comité régional d'animation et de coordination ouvert aux inspecteurs, contrôleurs et secrétaires de section mais également …aux partenaires sociaux . Sachant que ce comité a vocation également à assurer le suivi du plan, on envisage avec joie le MEDEF participant à la détermination et au suivi des actions de l'inspection du travail. Mais il vrai que, par ailleurs, l’administration centrale vient dans un mémoire en défense produit au Conseil d’Etat de défendre le principe que les inspecteurs-élèves soient notés par des correcteurs choisis au sein des syndicats de salariés et des organismes patronaux …

B - dans le cadre d'un projet local et transversal établi par le directeur départemental du travail afin d'assurer un portage hiérarchique. On regrettera seulement que le rapport ne suggère pas explicitement la création d'un comité départemental d'animation et de coordination qui nous semble s'imposer.

C - dans le cadre d'un plan d'action élaboré par chaque inspecteur du travail, semble-t-il également si ce n’est après concertation avec les « partenaires sociaux », à tout le moins en « convergence avec l’action » de ceux-ci pour reprendre les termes de la circulaire actions coordonnées 2001 .

D - le tout étant semble-t-il intégré au niveau national grâce au Conseil National de l'Inspection du Travail assisté d'un comité d'expert.

Voilà en effet une construction pyramidale du plus bel effet et qui ne saurait manquer d'ouvrir enfin les portes à la professionnalisation des agents de l'inspection qui étaient jusqu'alors, nous l'avouons honteusement de vulgaires amateurs pas même éclairés. Toutefois il aurait été utile que le rapport CHAZE nous donne des indications précises sur ce montage : le plan d'action (de chaque section) doit-il être conçu avant le plan d'action local et transversal, précédent lui-même l'adoption du plan régional d'action, ceux-ci conditionnant les travaux du Conseil National de l'Inspection du Travail ? Ou l'ordre doit-il être inverse ? Ou tout doit-il se faire simultanément dans une harmonie spontanée ? La question nous tourmente. Enfin, la France étant -bien entendu le modèle social pour l'Europe (cf infra), nous trouvons que le rapport pèche par modestie et qu'il aurait été du plus bel effet de proposer la création d'un :

Plan Européen d' Action de l'Inspection du Travail

Plus sérieusement, on rappellera qu'aux termes de l'article L.611-1, les agents de contrôle ont pour mission de veiller à l'application des dispositions du Code du Travail. En outre il leur est conféré des pouvoirs décisionnels et certaines obligations d'enquêtes pèsent sur eux : ils ne sauraient se dérober à ce travail quotidien, soumis aux aléas de la vie des entreprises. De même les agents de l’inspection ne sauraient refuser sans faillir à leur mission, d’intervenir à l’occasion de plaintes individuelles soulevant des problèmes relevant du droit pénal du travail.

Mais bien entendu surtout, le rapport CHAZE ne fait que reprendre ici à son compte le discours déjà développé dans le Programme Pluriannuel de Modernisation de 1999 qui énonce notamment que « développer et promouvoir une politique de management par objectif constitue désormais une priorité » et que « la mise en œuvre d’une démarche de plan d’action au niveau des unités de travail doit permettre de rendre visible la déclinaison des objectifs prioritaires, précis et mesurables »

Car en effet, dans le bouleversement de nos fonctions qui est en gestation, tout est lié :
- la mesure de l’action des services,
- l’action collective,
- la mise en place d’un management par objectif, qu’il s’appelle « lettre de mission », « plan d’action » ou autre « contrat d’objectif ».

L’assignation d’ « objectifs contractuels » ne peut en effet se faire sans l’instauration d’ « action collective » permettant une « mesure de l’efficience des prestations de services rendues à l’usager », cet agencement, par une mise en concurrence des agents, étant bien entendu le moyen pour le ministère de réinstaurer son emprise hiérarchique selon les modes mis en place depuis quelques années dans le secteur privé.


X- UN OBJECTIF FEDERATEUR :

A propos de la réduction du taux de classement sans suite des PV proclamée comme un « objectif fédérateur" des agents de contrôle par le rapport Chaze, même si cela peut apparaître sentencieux, pourquoi pas ? mais :

1- Contrairement à ce qu'affirme le rapport, une politique pénale ne se construit pas au seul niveau départemental. Elle implique en effet une volonté interministérielle (Justice-Travail) destinée à mettre en œuvre une politique pénale de nos services totalement inexistante à ce jour. Cette nécessaire impulsion doit être déclinée ensuite régionalement puis départementalement.

Toutefois, attention, la définition d'une politique pénale ne saurait en aucun cas influer sur l'opportunité "verbalisatrice" des agents de contrôle, mais essentiellement, et c'est déjà beaucoup, contribuer à limiter le taux de classement sans suite et peut être à donner aux agents de contrôle qui l'ont perdu ou pas encore apprécié, le goût du PV.

2- Le rôle du PV dans sa dimension pédagogique, comme outil certes de sanction mais aussi de prévention doit être réaffirmé. En ce sens, le classement sans suite ne constitue pas pour l'agent de contrôle un échec, tout au plus un désappointement. Or il convient de réduire au maximum nos sources de déception, c'est peut être cela qui est fédérateur.

3- Une véritable formation des agents à l'outil pénal doit être instituée. La construction d'un PV ou d'un signalement, c'est à dire des constats, les relier parfaitement à une incrimination et déterminer des responsabilités, n'est pas forcément innée ; cela s'apprend puis se pratique.


XI -" POUR UN COMMUNISME DE SECTION " ou "C'EST PAR LA TETE QUE POURRIT LE POISSON:

Le groupe de travail « CHAZE » souhaite bouleverser les relations de travail au sein des sections dans le cadre d’un « projet d’équipe partagé» effaçant ou masquant plutôt, la structure hiérarchique existante, pour y substituer ce que l’on pourrait taxer ironiquement de "communisme de section". En d’autres termes, refonder une micro communauté unie dans un même but, plaçant l’usager au centre de ses préoccupations selon l’usuelle ritournelle.

Mais de fait, aucune proposition de redéfinition claire de ce partage n’est proposée. Ce qui est seulement suggéré, ce n’est pas la prise en charge par les agents de contrôle du travail ingrat de leurs collaborateurs (comme on dit, en langage châtié), mais de leur donner, en plus de leurs fonctions traditionnelles, diverses attributions plus qualifiées et tout cela sous couvert d’action collective, d’un groupe de travail uni dans la poursuite d’un même but. On connaît très bien ces modes de gestion du personnel visant à mieux exploiter sous couvert de «motivation» ou d’ « investissement dans le travail» de ceux que l’on n’appelle plus les « exécutants » : sinistre plaisanterie.

Et de fait, le rapport CHAZE l’énonce ailleurs très crûment, il s’agit –sous couvert d’enrichissement des tâches de transférer « au secrétariat le traitement d’une part croissante des tâches périphériques associées à l’activité de contrôle» . Les agents concernés dont il est dit que « le positionnement devrait évoluer vers celui de véritables assistant(e)s apprécieront alors que le ministère dans le même temps, rejette leurs revendications statutaires et salariales.

Car une telle évolution serait admissible et même souhaitable si, n’était programmée la réduction progressive du nombre de secrétaires, passant au fil des ans de deux par section à un et demi –ce qu’officialise le rapport. Tout cela serait également admissible si, dans le même temps, revalorisation du statut des inspecteurs, attribution à eux et aux contrôleurs (dans une moindre mesure, certes) de primes aidant, l’écart salarial ne cessait de croître entre eux et leurs secrétaires.

En fait, tant pour ce qui concerne la relation inspecteur/secrétaire que pour celle inspecteur/contrôleur, il s’agit sous couvert de l’idéologie de la « démarche de projet » et du « travail en réseau » portée par le libéralisme triomphant , de renforcer le pouvoir hiérarchique, précisément remis en cause ces dernières années, notamment par l’utilisation des nouvelles technologies de l’information. En d’autres termes, on voit ici l’administration d’Etat tenter non sans contradiction d’utiliser à son profit les nouvelles techniques d’assujettissement mises en œuvre dans les secteurs économiques les plus modernes, tout en tentant de renforcer ses structures hiérarchiques traditionnelles.

Enfin, pour ce qui concerne les contrôleurs du travail, il semble bien que la remise en cause préconisée de la répartition établissements de plus de 50 salariés, établissements de moins de 50 salariés, ne vise qu’à inciter les inspecteurs à envoyer ces agents dans ces premières dans le cadre de missions ponctuelles, ceci se faisant au détriment du temps consacré à la visite des plus petites entreprises et rompant avec le principe que nous défendons d’unicité d’agent de contrôle pour toute entreprise.

La section, collectif de travail, doit "être mobilisée sur des objectifs communs fondant un plan d'action partagé par tous les agents" (p.11).
Nonobstant le scepticisme relatif à la fiction d'un secteur économique homogène (cf. supra), cet unanimisme traduit des intentions (peut être ) louables mais dont les finalités, une fois encore, sont très sujettes à caution:

- S'il s'agit pour l'inspecteur de définir, en concertation avec les contrôleurs, et d'initier des actions communes en apportant son appui et ses compétences (et en sachant bénéficier de celles de "ses" contrôleurs), sans assortir de sanctions la réalisation des objectifs, et à la condition que dans ce cadre chaque agent de contrôle conserve son pouvoir d'appréciation de l'opportunité de ses interventions, nous sommes d'accord.

- S'il s'agit de transformer l'inspecteur en "manager" qui contrôle de moins en moins les entreprises, mais de plus belle ses contrôleurs, en exigeant des comptes sur la réalisation d'objectifs contractualisés (qu'il serait bien lui-même en peine de tenir) avec le DD, nous rejetons. Ce type de dérive ne peut conduire qu'à un renforcement stérile des structures hiérarchiques et une conception disciplinaire et asservie de l'activité de l'inspection du travail. Crainte sans fondement? Voire délire paranoïaque? Non point, voyez plutôt page 25 du rapport.

- Vous aurez peut être noté, avec un étonnement certain, qu'au chapitre "animation de l'inspection du travail", lorsqu'il s'agit d' "affirmer une stratégie claire à tous les niveaux" (page 23), l'un de ces niveaux a, par magie, disparu totalement: la section!
L'aveu est de taille, et ce silence détonnant s'explique à la lecture page 25 des "trois conditions indispensables (sic) à la mise en œuvre du projet local et transversal (tiens! Le retour du refoulé?) du directeur départemental":

"- Intégrer les IT à l'équipe de direction
"- Renforcer le portage hiérarchique… dans une démarche de contractualisation des objectifs et d'évaluation des résultats.
"- Mise en commun des problématiques travail emploi et formation professionnelle, fondant des actions conjointes dans le cadre du plan d'action."

Traduction?
- - La section n'anime pas, ne pense pas: elle exécute le plan d'action pensé pour elle par d'autres. Elle quantifie des objectifs et définit ses servitudes (internes et externes à la section) sur fond d'une contractualisation de dupes.
- - Les IT sont transformés en autant de petits sous-DD ou sous-DA, courroies de transmission new look (Porteurs Hiérarchiques Renforcés: mazette!).
- Et que portent ils? Un plan d'action où les missions propres à l'inspection seront inféodées à des problématiques inconciliables (politiques de l'emploi): une fois "mises en commun", que pèsera un impératif de contrôle de l'ordre public social face à la réalisation des programmes d'entrées en formation (et de sorties du nombre des chômeurs) exigée par le Préfet? Autant qu'un salarié face à un employeur lors de la conclusion du contrat de travail.



XII - DES AUGMENTATIONS D’EFFECTIFS EN TROMPE-L’OEIL :

A – Un inspecteur pour 75 entreprises vous dis je:

L’ancien barème étant d’un inspecteur pour 80 à 120 entreprises, l’augmentation moyenne théorique apparaît être de 25%, ce qui n’est pas négligeable, même si c’est loin de notre revendication du doublement du nombre des sections. Mais estimer qu’il s’agit là d’un progrès, c’est faire l’impasse de la volonté énoncée de redéfinir l’activité des inspecteurs. En effet, selon ce rapport, les inspecteurs devraient consacrer deux jours par semaine à un rôle d’animation », rôle qu’ils ne jouent actuellement que de façon marginale -soit au plus une journée par mois. Sur cette base, c’est donc près de cinq jours par mois qui sont retirés de leur mission de contrôle : soit 25% de leur temps de travail total.

Ce n’est donc pas une augmentation de la présence des inspecteurs dans lers entreprises qui est programmée, mais une simple stagnation. Beau progrès en effet.

La réalité au demeurant est encore moins satisfaisante, puisque l'augmentation du nombre d’inspecteurs sollicitée par ce rapport n’est pas de 20% mais de 2%, soit dix fois moins, la création d’une dizaine de sections seulement étant préconisée..




B – un contrôleur pour 1500 établissements vous dis je:

Ici, au regard de l’ancien barème évoqué ci-dessus et qui avait été présenté au Comité Technique Paritaire Ministériel du 27 janvier 1986, on assiste à une évidente régression.

En effet selon ce barème, devait être affecté :
 Un contrôleur pour 1 500 établissements de moins de 10 salariés,
 Un pour 500 établissements de 11 à 49.

Compte tenu du ratio entreprises de moins de 10 salariés/entreprises de 10 à 49, cela correspondait à un contrôleur pour 1200 entreprises de 1 à 49 salariés.
L’augmentation de l’ « effectif de référence » est donc de … 25% : beau progrès à rebours en effet, sachant au surplus :
 Que depuis 1986, les travailleurs indépendants sont soumis au respect de nombreuses règles d’hygiène et sécurité, règles dont les contrôleurs doivent assurer le contrôle
 Que ce ratio aurait du, loin d’augmenter, diminuer, en application stricte de la convention OIT n°81 au terme de laquelle le nombre d’agents de contrôle doit être déterminé en fonction de la complexité de la législation à faire appliquer. Sauf à démontrer que celle-ci s’est simplifiée : pourquoi pas en effet.

Certes, l’administration ne s’est jamais préoccupée de savoir dans les faits combien les contrôleurs avaient d’entreprises en charge. Et il a fallu changer de siècle et de millénaire, avant qu’elle ne se décide à faire ce travail si délicat, que pourtant chaque agent était en mesure d’effectuer.

On observera cependant au préalable que si, entre 1983 et 1999 le nombre d’entreprises de plus de 5000 salariés a décru , à l’inverse, celui d’entreprises de un à neuf salariés a augmenté d’environ 30 % . Il aurait dès lors été cohérent que le nombre de contrôleurs affectés en section croisse corrélativement. Mais peu importe, penseront les contrôleurs dont certains ont aujourd’hui jusqu’à 4500 établissements à contrôler : l’essentiel est que ce nouveau barème soit, lui, respecté.

Or, le rapport CHAZE et à plus forte raison, le rapport SALVY, effrayés par tant d’audace -la remise en cause du dogme sacro-saint de non-création de poste de fonctionnaires- ne cessent de réduire dans leurs conclusions, les conséquences logiques de ce nouvel effectif de référence. Pour ce dernier rapport dans lequel, rappelons-le s’insère le premier, l’objectif est « la création d’un troisième poste de contrôleur dans une vingtaine de sections ». Le premier quant à lui, nous explique, tableaux à l’appui, qu’il faudrait créer 173,1 (admirez la précision, gage de sérieux) postes de contrôleurs en section.


Pour notre part, analysant les données section par section, nous avons constaté la nécessité de créer 302 postes et avons fait un courrier dans ce sens à Madame GUIGOU dès février dernier. , estimant très logiquement que pour toute section comptant entre 3001 et 4500 entreprises de moins de 50 salariés il faut trois contrôleurs, pour toute section entre 4501 et 6000 entreprises, 4 contrôleurs …

D’où vient la différence ?

Remarquons en premier lieu que le rapport CHAZE fait l’hypothèse de l’affectation effective de deux contrôleurs par section (à plein temps !), ce qui ne correspond nullement à la réalité. A titre d’exemple à cette date (01/09/01) il n’y a qu’un seul contrôleur en Ardèche pour deux sections et 7419 établissements de moins de 50 salariés. Mais il est vrai que l’administration centrale ignore le nombre de contrôleurs aujourd’hui affectés en inspection du travail. Ce n’est pas son problème mais celui des directeurs départementaux .

Mais surtout, l’estimatif est effectué département par département en divisant le nombre d’établissements total par 1 500 pour avoir le nombre total de contrôleurs nécessaires, sans arrondir d’ailleurs à l’entier immédiatement supérieur, ce qui eût été normal, mais en mettant un chiffre après la virgule (vous me mettrez 0,9 contrôleurs de plus en Ardèche …)

Outre le fait évident qu’impasse est ainsi faite sur les directions ayant des sections détachées (parfois de plus de 100 kilomètres, comme en Isère), cette logique impose de faire éclater le cadre des sections, soit en créant un «pool» de contrôleurs volants ou affectés à un type d’entreprises, soit en affectant des contrôleurs sur plusieurs sections. Ce qui, outre les problèmes de gestion ainsi générés, est en absolue contradiction avec la volonté analysée plus haut de renforcer la cohésion des sections et la supervision du travail des contrôleurs par les inspecteurs.

Mais le rapport CHAZE n’est ni à une contradiction ni à une absurdité près.



XIII- OU SONT LES CAMERAS ?

« La communication qui assure la transparence, permet le débat public » : Et ainsi, le rapport « CHAZE » en vient-il à énoncer comme une nécessité les rapports avec la presse et la recherche de l’œil des caméras au motif que : « l’action de l’inspection du travail est encore trop souvent peu visible et mal valorisée.»

Soyons clairs : ce n’est pas en se soumettant à la logique des médias que l’on assurera la transparence de l’action administrative, impératif autrement sérieux inscrit en préambule de notre Constitution. Assurément la situation n’est pas à cet égard satisfaisante et il conviendrait de réfléchir sur les modalités selon lesquelles nous nous devons de rendre compte de notre action : aux salariés qui nous ont saisis, aux institutions représentatives du personnel des entreprises où nous intervenons et aux employeurs eux-mêmes. Il n’est pas ainsi satisfaisant que la transmission des procès-verbaux soit exclue, y compris au contrevenant sauf dans un cas où … cette transmission est obligatoire. Plus même : il est inadmissible que l’administration centrale interdise aux agents de contrôle d’informer les salariés qu’ils n’ont pas été déclarés par leur employeur et sont donc victimes d’agissements qualifiés de « travail dissimulé », sous prétexte de l’obligation de discrétion professionnelle. Fort heureusement pour l’image du service public, bien rares sont les inspecteurs et contrôleurs qui se soumettent à ces impératifs aussi manifestement surannés et contraires aux intérêts des salariés.

Enfin, toujours pour ce qui concerne la transparence administrative, on aimerait bien être certain qu’aucune décision n’est jamais prise –par exemple en matière d’abattement de salaire, de dérogation « machines dangereuses », heures supplémentaires pour les apprentis …sans que les intéressés n’en soient informés et, a fortiori ne soient en mesure de présenter leurs arguments … ce qui est pourtant prévu par la loi.

Mais à l’évidence, la communication -au « grand public »- prend le pas sur l’information des salariés.


Et quant à la fonction « communication » au sein du ministère, nous pouvons rassurer les membres du groupe : l’administration centrale à elle seule emploie soixante-dix agents (sans compter la sous-traitance aux cabinets de com’) à cette fonction contre cinquante agents par exemple à la sous-direction de conditions de travail et de la prévention des risques …

Mais cette recherche de la médiatisation, sous prétexte de « favoriser le débat public » et de « pédagogie», vise en fait à résoudre ou surmonter la « crise d’identité » évoquée en introduction, qui, n’est pas vécue cependant par l’inspection du travail dans son ensemble.

Que certains soient en mal d’image et dans une quête narcissique d’une reconnaissance médiatique : pourquoi pas et ils ne sont pas, à l’évidence, les seuls dans le petit monde de l’inspection du travail.

Que certains soient lassés du travail quotidien, très humble qui est le nôtre -celui de médecins généralistes de la pathologie de la relation de travail, voués à entendre chaque jour les mêmes plaintes, à s’affronter aux mêmes maux- nous l’admettons volontiers.

Le problème est que le ministère, dans une fuite en avant, veut manifestement entraîner l’ensemble de l’institution dans ce jeu, aux mépris de l’intérêt des travailleurs.

Et là, nous disons non.




XIV - LE NOMBRIL DE L’EUROPE :

L’inspection du travail est en crise nous dit-on : crise d’image, crise d’identité, de légitimité et de conscience pour tout dire. Et, corrélativement le rapport se clôt sur un dithyrambe quelque peu narcissique et mégalomaniaque, sur le thème ressassé de la France, modèle social de l’Union Européenne : « nous devons avoir l’ambition d’entraîner les autres pays européens vers notre modèle d’inspection du travail généraliste, mais aussi d’anticiper, en les adaptant éventuellement, sur les innovations qui pourraient (sait-on jamais) nous venir d’autres pays, dans le cadre de la construction de l’Europe sociale.

Ce serait grotesque, si ce n’était pathétique.

Du point de vue du droit social communautaire, la réalité est encore plus sinistre : d’une manière générale la FRANCE est l’avant dernier pays de la communauté en terme de transcription des directives . En matière de droit social, le complexe de supériorité développé par l’administration est tel que ces directives, lorsqu’elles peuvent apporter une amélioration à la situation des salariés, sont ignorées; leur transcription n’est presque jamais envisagée, au moins de gaieté de cœur.

Le seul exemple du repos journalier minimum de 11 heures est à cet égard éloquent : prévu par la directive 93/104 du 23 novembre 1993, elle n’a été transcrite en législation interne que par la loi dite AUBRY I, alors que le délai de transcription était de trois ans et non pas sur initiative du gouvernement, mais par amendement déposé par des députés de la gauche dite plurielle -Parti Communiste et Verts.

Plus révélateur encore, la directive du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail prévoyait notamment un repos hebdomadaire pour les travailleurs mineurs de deux jours continus : ce droit n’a été inscrit dans notre code que par la loi du 19 janvier 2000, avec donc trois ans et demi de retard par rapport au délai de transcription de deux ans prévu par la norme communautaire. Cette même directive n’a vu l’essentiel de ses dispositions reprises en législation interne que par l’ordonnance 2001-174 du 22 février 2001 -près de cinq ans de retard- : mais sans doute ne fallait-il pas mécontenter les petits employeurs, grands utilisateurs d’apprentis ? Cela pourrait expliquer certaines lenteurs. Enfin, faut-il le dire ? cette transcription reste-t-elle aussi, imparfaite…


Mais là, il faudrait, enfin, se mettre au travail, obscur et modeste.

Enfin du simple point de vue des effectifs, la FRANCE se trouve en matière d’inspection du travail, l’un des derniers de l’union européenne, avec un agent en moyenne pour 12 000 salariés contre une moyenne de un pour 7000… Et la création par l’Italie de 1000 postes d’inspecteurs (à comparer à nos 1200 agents de contrôle) décidée en 2001 devrait pour le moins nous engager à une certaine modestie.

Car disons le très fort : la seul moyen de rendre effectif le droit du travail, c’est que l’Etat se donne les moyens d’en assurer le contrôle d’une part et d’autre part d’assurer la sanction ni aléatoire ni symbolique des infractions constatées. C’est donc donner les moyens humains à l’inspection du travail –ce pourquoi nous demandons le doublement du nombre des sections- et de donner également les moyens à la justice –tant civile que pénale- de faire son travail.



R E S I S T E R :

Nous n’avons pas la prétention de dire ce que doit être notre métier, mais la conception que nous en avons est implicitement évoquée. Nous espérons simplement que beaucoup s’y retrouveront. Il aurait été sans doute plus aisé de jouer la passivité, espérant que ce rapport, occasion de la présente analyse, connaîtrait le sort de maints autres –l’oubli au fond d’un tiroir. Mais nous avons estimé qu’il importait aujourd’hui de faire acte de résistance, face à cet avenir radieux de l’institution qui nous est promis.
Ecrit par libertad, le Mercredi 11 Décembre 2002, 15:35 dans la rubrique "Ressources".